Amis sur Facebook ?

28 Oct

Billet rédigé en 2009 sur le ning de @chrism

Peut-on devenir ami avec ses élèves sur Facebook ?

Le métier d’enseignant depuis l’introduction du numérique (certains parlent d’arrivée par effraction – Pierre Fonkoua ENS – Yaoundé) devient, contrairement à de nombreuses idées communément admises, très complexe.
Heureux ( ?) dans sa simplicité, le temps du face à face pédagogique circonscrit en un lieu et à un temps normé. Une classe, des murs, un lieu d’interactions entre des acteurs bien identifiés. L’ère numérique entamée à la fin du 20ème siècle a bouleversé cet équilibre. Le temps et l’espace sont devenus poreux, l’espace éducatif est en expansion. Dans cet espace qui semble sans limite est apparu Facebook. Les enseignants et les apprenants (ou l’inverse) s’en sont emparés techniquement et ont construit des espaces de collaboration qui commencent à se mêler. Ils suscitent des interrogations sur leur cohérence. Faut-il, peut –on devenir ami avec ses anciens élèves ? Simple à exprimer mais complexe à résoudre la question de la réunion du singulier et du pluriel est au centre du débat.

· Sur la forme – Le registre du singulier

La structure de Facebook correspond à un type particulier de culture numérique : celle ou le modèle dominant est caractérisé par l’immédiateté et l’empilement. J’écris, je publie sans soucis d’ordre, de classement, de priorisation de ses idées.
La structure formelle de FB ne laisse pas de place à une réflexion a priori sur les possibilités ergonomiques de navigation. Se trouveront par conséquent empilés (si l’on y prend garde) : des strates de vie, des instants émotionnels, 140 mots de tweet, descriptifs d’instants de joie, de dépit ou des tranches de vie. Pour les images, Facebook donne une nouvelle vie à l’expression pêle – mêle, la tentative artistique mode argentique côtoiera l’instantané numérique d’une soirée arrosée. En résumé Facebook ne permet pas (ou peu)  à l’auteur de scénariser sa mise en ligne. L’artefact ne se gère pas d’un point de vue formel. Je reprendrai la formule de Pierre Assouline qui cite Michel Tournier dans son blog « la république des livres », Facebook est un « journal extime » parce que l’on se livre à autrui. Il n’est pas possible  de rédiger un brouillon – La mise en ligne est immédiate. Je ne mets pas en ligne parce que la version pensée, annotées modifiée préalablement me satisfait enfin. C’est parce que l’instant me paraît propice, parce que l’émotion est trop forte, parce que la situation bien qu’insignifiante me paraît digne d’être diffusée. Il est impossible de sérier mes champs d’intérêts par une thématique, ou par un mot clé. Le commentaire sur la pause au distributeur de café le disputera forcément à la note de lecture sur « un monde sans limite essai pour une clinique psychanalytique du social » de Jean-Pierre Lebrun.

· Sur le fond – L’expression du pluriel

Comment par conséquent répondre à la question : « Peut – on devenir ami avec ses anciens élèves / étudiants ? » En l’absence de réflexion sur la forme et / ou en l’absence de possibilité d’organiser la forme ? Il faudra certainement se poser a priori cette question « A qui est destiné mon Facebook ? » Techniquement il s’adresse à tout le monde, concrètement ma sphère sociale est fractionnée. Comment avec un outil simple, souple, léger et ubiquitaire puis je tenter de résoudre des questions de relations sociales infiniment complexes ? Est-il possible de communiquer avec un outil unique aux fonctionnalités réduites pour dialoguer dans des champs hétérogènes ?

Pour conclure si j’avais à donner un avis sur peut-on de venir ami avec ses élèves sur Facebook ? La réponse ne peut être tranchée par un oui ou un non. FB doit se conjuguer au pluriel et renvoie à la question de l’identité numérique. Devenir amis avec ses anciens élèves pourquoi pas mais … avec une page FB dédiée, un niveau de discussion adapté, des sujets balisés, un niveau d’information sur soi filtré.

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