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Espace de formation et collaboration, si on essayait vraiment ?

13 Nov

1 – Introduction

Avec un peu de retard, en raison de circonstances indépendantes de ma volonté, je vais tenter de livrer mon analyse post Boussoles 3 du numérique. J’ai choisi cette fois non seulement de tenter une analyse théorique mais aussi, et peut être surtout, de faire une proposition d’action.

Au cours de ces deux jours (14 et 15 octobre 2015)  la question des espaces de formation a été abordée, la table ronde s’intitulait « Espace et temps scolaire » et s’inscrivait dans le cadre de la présentation du PNF (plan national de formation). Michelle Laurissergue donnait la teneur des enjeux dans un éditorial daté du 14 septembre 2015 :

« Des choix, des liens sociaux, des temps et des espaces réinventés

L’école n’est plus un sanctuaire fermé au monde extérieur et l’inclusion dans la société de l’information devient un défi d’autant que de nombreuses questions restent en suspens, questions politiques, économiques, techniques, culturelles et sociales notamment culture dominante, marché prépondérant, communautés virtuelles, transformation des approches du temps, des espaces et du travail, nouveaux modes de formation.« 

À Cenon, les débats, les présentations des initiatives, m’ont conforté dans l’idée que les hypothèses que j’avance depuis des années au sein de ce blog (Tags espace, corps, geste) sont devenues des sujets d’actualité. L’essentiel n’est cependant pas là. Les thématiques développées aux boussoles présentaient de nombreuses convergences, elles s’orientaient vers le même nord pédagogique. Je pense ici précisément au concept de travail collaboratif et à celui de la structure des espaces de formation. La mise en dialogue de ces deux notions m’a engagé à mobiliser des principes théoriques que j’avais déposés de façon éparses dans ma « Think list« . Je peux ainsi avancer de nouvelles hypothèses et des propositions qui structureront cet article. Il sera question dans cet article d’innovation (de disruption) et de management du changement, centrés sur la question des espaces de formation.

2  – Se former

Se former et apprendre en permanence sont deux axes forts dans le contexte actuel car nous sommes résolument ancrés dans la société de l’immatériel. Les temporalités des changements s’accélèrent, il faut être en capacité de s’y adapter. On peut imaginer qu’un élève de primaire est inscrit dans un processus programmé et continué qui va de la formation initiale à la formation continue. L’apprentissage conditionne la construction du citoyen, son éducation et son insertion future. Une fois inséré la formation est un facteur d’adaptation et de maintien des processus productifs.

Personne n’est en capacité de prévoir ce que seront les modalités instrumentées des apprentissages et de la formation dans 10 ans et leurs impacts sur la structure des espaces de formation. Cela nous contraint de poser des jalons conceptuels et des principes d’action pour aborder ce futur aux contours flous.

Dans une société au périmètre incertain il est plus que jamais nécessaire de former aux  disciplines qui aident à conceptualiser. Je pense ici, notamment, à la philosophie, à la littérature, à l’histoire. Nous avons besoin de futurs cadres qui soient capables d’anticiper, de comprendre et d’instrumenter les transformations. Il faut leur donner les moyens de se saisir du matériel conceptuel qui les aideront à absorber les changements et de les transformer en action ou le verbe faire est fécond.

Insister sur la capacité à penser, à conceptualiser ne signifie pas mettre sous l’éteignoir le geste et le corps, j’ai commencé à évoquer cette thématique dans divers articles. Nous commettons aujourd’hui, me semble t-il, une erreur grave (dont nous ne mesurons probablement pas les conséquences) à vouloir cloisonner ce qui relève de la pensée de ce qui relève du geste. Est-il possible de dissocier le geste et la pensée, la pensée et le geste ? Je ne le crois pas.

Cette longue digression introductive me permet de mieux asseoir mon propos sur les espaces de formation. Se donner les moyens de les imaginer est un exercice complexe de pensée systémique (1).

3 – Modifier nos approches

Je vais commencer mon argumentation en listant des questions ? Certaines se posent déjà, d’autres vont se poser avec acuité dans un futur plus ou moins proche :

  • Quel est le temps de translation entre le domicile et le lieu de travail ? Ce temps stérile et improductif ne cesse d’augmenter, peut-on continuer à s’en accommoder ? Quel est le statut de ces espaces transitionnels ?
  • L’immobilier éducatif institutionnel intègre de plus en plus le numérique. Quel peut être le modèle type du lieu d’apprentissage ou de formation ? ;
  • Peut-on encore ignorer l’espace privé des apprenants et des enseignants dans les processus de formation ? Il est devenu une dimension significative mais ignorée de l’apprentissage et de l’enseignement ;
  • Comment peut-on imaginer un nouveau management quand se développe une diversité d’espaces de formation (réel, virtuel, réel institutionnel, réel privé, virtuel institutionnel, virtuel privé). Ils font voler en éclat le principe panoptique ? Voir, ne pas voir pourrait résumer la problématique. Ce management hétéro-spatialisé devra s’orienter vers une capacité à aider, à accompagner les transformations, à être bienveillant plus qu’à se retrancher derrière des textes (forcément en retard d’une bataille) ;
  • Peut-on continuer à entasser des étudiants dans des amphithéâtres pour simplement écouter dans des conditions non optimales ? – « Pour les autres, majoritaires, direction l’amphithéâtre Léon-Binet et ses 900 places, à quelques étages de là, où ils pourront suivre le même cours, retransmis sur grand écran.« 
  • Peut-on imaginer une Université sans référence systématique aux amphithéâtres ? Quelles seraient les solutions spatiales alternatives ?

4 – Collaborer

La question est sensible et peut se résumer par :  » Comment doit-on imaginer les espaces de formation ?  » Revenons donc aux thématiques des Boussoles 3 et formalisons les principes :  » Quel est le champ des possibles qu’offre le mode collaboratif ? « . Je voudrais m’appuyer ici sur l’expérience de Local motor que j’avais découvert à la biennale du design de Saint Étienne en 2013. Ce site est destiné à faire collaborer (à distance notamment) des acteurs engagés dans la conception d’automobiles, l’objectif étant de créer des véhicules. Permettons nous de transférer le principe dans le champ de nos préoccupations.

La conception des espaces de formation est un sujet d’actualité. Je crains cependant que nous passions du rien au tout, c’est-à-dire décréter qu’il faut de nouveaux espaces, montrer quelques constructions de prestiges à titre d’exemple, publier des rapports, le tout dans une démarche louable mais toujours… pyramidale et jacobine. Or si je comprends bien les propos actuels, il faut s’orienter vers des structures et méthodes plus horizontales, plus agiles dont le pilier est la capacité à collaborer et collaborer.

Si le mode collaboratif est la direction qu’il faut suivre alors je me permets de faire une proposition pour la réflexion / production d’espaces de formation.

5 – Penser ET produire

Si nous souhaitons faire bouger les lignes actuelles nous pouvons alors  tenter de créer  un lieu, un espace de travail collaboratif à la façon de local-motor.com

J’imagine donc un espace de travail qui agrègerait les acteurs concernés par la réflexion et la conception des espaces de formation à l’ère du numérique.

Ce lieu devrait obligatoirement intégrer les deux dimensions que j’ai évoquées en introduction la pensée (conceptualiser) et le geste (faire).

Il conviendrait donc de réunir au sein de cet espace des philosophes, des pédagogues, des designers, des décideurs de l’éducation nationale, des décideurs des collectivités locales, des architectes, des enseignants, des étudiants et enseignants des écoles de design (Boulle, Duperré, Estienne, Olivier de Serres,  La Martinière-Diderot, ENSCI, école de design de Saint Étienne …) , les corps d’inspection, des constructeurs, des spécialistes des matériaux (exemple materio) … L’éducation nationale et l’enseignement supérieur rassemblent en leur sein une extraordinaire palette de savoirs et de compétences. Je crois que la volonté de travailler ensemble (y compris avec des acteurs extérieurs comme les constructeurs) en mode collaboratif serait à la fois féconde et très innovante.

La confrontation des points de vue me parait essentielle dans cette démarche collaborative car chacun s’enrichit de l’expérience et des savoirs des autres. Nous avons plutôt tendance à travailler au sein de nos structures et à méconnaître partiellement ce que font les autres.

Le principe collaboratif, tel que je l’imagine, est assis sur le principe d’acteurs qui interviennent avant tout comme force de proposition, plus qu’en référence à un statut ou à un grade identifié. Le collaboratif  ne peut se concevoir de mon point de vue que dans une vision réticulaire où la compétence est la donnée qui prime (il y a cependant souvent un lien entre titre et compétence).

La première difficulté de l’exercice est de transcender la représentation de l’autre pour se concentrer et comprendre ce qu’il est capable d’apporter à la construction du projet.  C’est de mon point de vue la condition sine qua non du réalisable.  Je pense même que la première étape est que les acteurs se présentent et expliquent qu’elle sera leur contribution active. Exemple : que le designer explique  quel est son rôle,  le  sens de son activité, le philosophe expliquant le sens de ses analyses, le représentant des collectivités locales les exigences de sa politique, le programmiste la logique de ses calculs que d’aucun pourraient juger arides, répondant à une logique comptable …. Dépasser les stéréotypes est l’étape N°1, collaborer est au prix de l’émergence d’une communauté d’intérêts. L’entrée dans l’espace collaboratif ne pourrait (pourra) se baser sur l’envie d’y être mais bien sur la capacité à apporter une contribution à l’acte de production.

Ce lieu de réflexion / proposition / construction devrait se fonder sur un principe d’obligation de résultat négocié collectivement. Exemple produire les principes de l’espace de formation instrumenté, concevoir   la pièce de télétravail dans un domicile, Concevoir des plans pour définir une salle de classe intégrant le numérique …

Il ne s’agit pas ici d’un laboratoire permettant de proposer un idéal, un acmé de l’immobilier pédagogique mais bien de produire du concret argumenté, réalisable et transférable in situ. J’entends souvent les enseignants dire  » On ne voit jamais le résultat de notre travail « , Matthew B. Crawford l’exprime, souvent de façon dérangeante mais salutaire, dans son ouvrage intitulé « L’éloge du carburateur« , La découverte, 2010, 249 p, on peut aussi retrouver ces principes chez Richard Sennett in  » Ce que sait la main, la culture de l’artisanat « , Albin Michel, 2010.

La collaboration n’exclue pas une part de compétition. On peut imaginer des équipes pluridisciplinaires travaillant sur le même projet sur un principe de « coopétition« .

6 – Du discours à l’usage

Je me suis contenté, à ce stade, de dresser un cadre formel d’action mais il me semble qu’il répond en partie aux discours et propositions que j’ai pu entendre aux boussoles 3. L’esprit et la démarche collaborative sont des pratiques extrêmement disruptives car elles mettent à mal tout ce qui nous a construit. Nous avons une fenêtre de tir qui s’ouvre, nous avons les moyens de mettre en accord les principes et les actes. Pourquoi ne pas essayer, c’est me semble t-il la seule façon de savoir si nous pouvons réussir (nous prenons aussi le risque d’échouer).

7 – Conclusion

J’aimerais que cette réflexion ne soit pas, comme souvent, une simple trace fixée dans les colonnes de ce blog. pour une fois j’aimerais que les acteurs que j’ai cités prennent la parole et réagissent. J’accepte par principe toutes les analyses, y compris contradictoires dans la mesure où elles sont argumentées. Y aura t-il des personnes qui auront envie de se saisir du principe et pourquoi le mettre en musique ?

Je reste persuadé que le mode collaboratif mérite un travail d’analyse de fond mais il doit obligatoirement avoir son pendant : la production. Saurons nous le faire ? Parlons du collaboratif mais surtout pratiquons le.

(1) – Le projet archiclasse contribue à alimenter cette réflexion.

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La métaphysique des tubes

9 Avr

La réflexion sur les espaces de formation nous enjoint à imaginer les activités dans le réel et dans le virtuel, je l’ai souvent évoqué. J’ai interrogé abondamment la place du corps, la signification des espaces, l’hétérogénéité de l’espace personnel. Ces questions sont, me semble t-il centrales mais elles doivent être aussi mises en relation avec des enjeux très techniques. Nous entrons ici dans un dialogue entre le conceptuel et le concret. Réel-virtuel, conceptuel-concret le jeu des oppositions supposées mises en tube.

Le virtuel  et le réel n’ont, de sens et de chance, d’être opérationnels que si l’on est conscient du besoin de faire collaborer les enseignants avec leur DSI (ou tout service équivalent). Dans les scénarios de formation qui sont élaborés il est fréquent de vouloir intégrer des classes virtuelles pour créer des moments d’interactions distantes synchrones. Le gisement du potentiel pédagogique est immense mais il ne peut être réduit à la seule question pédagogique. Il faut aussi insérer les techniciens dans cette conception pédagogique, les impliquer, les rencontrer.

Les tubes et tuyaux dans lesquels nous faisons circuler nos savoirs et connaissances sont complexes. Il faut être conscient que le développement des enseignements en ligne pose des questions de sécurité. Les « firewalls » peuvent être étalonnés de façon fine. Il est donc indispensable que les concepteurs de cours en ligne apprennent à expliquer les enjeux de la formation, connaissent leurs interlocuteurs techniques, rédigent des argumentaires pour justifier leurs besoins et sachent, en retour, écouter les arguments de la technique. Sécurité Vs pédagogie.

Traduit en langage pédagogique il faut (dra) savoir collaborer et bien au-delà de nos cercles habituels. Cette démarche est longue, prends du temps, oblige à dépasser ses cercles mais j’ai la faiblesse de croire qu’engager le dialogue est fécond même s’il est complexe.

Il y a bien sûr la méthode habituelle qui consiste à dire pis que pendre des « rusteaux » de la technique, à vilipender la piètre qualité de la solution technologique, à morigéner l’organisateur mais … À part se cantonner dans ses certitudes qu’elle est la plus-value ?

L’enseignement instrumenté à des effets qui vont bien au-delà de la technicité, il nous contraint à nous interroger sur le sens du lien social dans la construction des dispositifs en ligne.

Collaboration, coopération, analyse des principes

5 Mar

Nous lisons, nous entendons dans les discours actuels qu’il faut collaborer et coopérer. On nous explique qu’il faut travailler de concert au sein de groupes plus ou moins formels dont on ne sait à l’avance quelle sera la durée, la force et la capacité à produire des ressources.

Nous avons, me semble t-il, pour habitude de manier ces concepts en les accolant à un environnement positif, en tout cas dans le domaine de l’éducation. Collaborer c’est bien, coopérer c’est bon. C’est probablement vrai, mais cela ne nous interdit pas d’avoir une approche plus large du concept, moins incantatoire de mon point de vue. Je n’aime pas beaucoup les discours unanimistes qui à force d’être martelés s’imposent à la fin comme des vérités.

Je n’ai pas de position de principe, je cherche juste à creuser la question car elle est inscrite dans nos réflexions quotidiennes. Il est utile de regarder ce qui se dit, s’écrit à ce sujet dans la littérature. On peut trouver un ensemble d’articles de fond qui analysent la question de la collaboration et de la coopération et qui en donnent parfois des visions plus nuancées que les discours actuels.

Il faut tout d’abord que nous soyons d’accord sur la définition de ces concepts. J’ai commencé à les cadrer au sein d’un billet précédent.

Alain Baudrit dit « Qu’est-ce que l’apprentissage collaboratif ? Voilà une question bien embarrassante vu qu’il n’existe pas vraiment de définitions relatives à cette forme d’apprentissage » (Baudrit, 2007) in  » apprentissage collaboratif : des conceptions éloignées des deux  côtés de l’atlantique ?

Christine Gangloff-Ziegler dans un article intitulé « les freins au travail collaboratif » (2009) dit :

« Le travail collaboratif, en permettant de travailler à distance, modifie les pratiques antérieures qu’un salarié pourra chercher à conserver s’ils les percevaient comme des avantages: les déplacements s’il sont conçus comme un plaisir ou comme un élément participant à un statut social, la maîtrise de son temps à travers les agendas secrets (Brown, 2002) les échanges informels, les modes de rémunération ou les politiques de remboursement de frais, les systèmes de fidélisation qui procurent des avantages personnels. .. » analyse que j’avais amorcé de façon intuitive dans un billet précédent.

Ma revue de lecture me permet de faire émerger des analyses divergentes sur les pratiques collaboratives et coopératives notamment dans l’industrie.

  • Christophe Dejours

Dans son ouvrage intitulé « Travail vivant, Travail et émancipation (volume 2) , il donne un contre exemple particulièrement édifiant et instructif pour nos analyses.

Il dépeint une relation entre des salariés de l’industrie chimique où les relations de collaboration sont extrêmement négatives. Il décrit un moment de l’activité industrielle qui consiste à arrêter le cycle des installations chimiques pour assurer la maintenance. Cette opération, appelée « décroutage » des autoclaves, est une activité à risque pouvant entraîner des intoxications respiratoires et des affections cutanées chez ceux qui interviennent au cœur de la machine.

« Les salariés maisons avaient ainsi élaborés des règles de travail consistant à se garder les tâches de maintenance les moins pénibles physiquement et surtout les moins dangereuses du point de vue des risques toxiques. Quand survenait une panne et qu’il fallait intervenir à chaud sur des machines dans des atmosphères confinées à haute température et avec forte saturation en produits chimiques, alors il était d’usage de téléphoner pour « appeler les Arabes ». Les ouvriers maison, faut-il encore le préciser, étaient alors dans leur presque totalité, membres des deux principales fédérations syndicales nationales de la chimie.
Des situations de ce genre font apparaître que l’activité déontique  (1) peut faire naître de fortes solidarités à l’intérieur. Toutefois cette solidarité destinée d’abord à lutter contre les injustices venues d’en haut permet aussi de redistribuer parfois l’injustice vers le bas. La coopération, même si elle cultive l’entente, n’est pas axiologiquement au-dessus de tout soupçon. Est-il possible de comprendre à quelles conditions la déontique du faire peut s’inscrire au profit du « monde » ou au contraire basculer au profit de l’injustice /…/ » Christophe Dejours, « Travail Vivant – 2 Travail et émancipation », petite bibliothèque Payot (2009)

Je trouve ce passage édifiant car on voit ici décrit un processus de coopération qui débouche sur des relations que j’ose qualifier d’extrêmement toxiques.

  • Richard Sennett – Dan son ouvrage « le travail sans qualité » il analyse la notion de coopération, non comme un instrument d’émancipation mais comme celui de la domination. Voici quelques extraits des pages 160 à 163 – Éditions 10/18

« Lorsque, dans le Re-engeneering the corporation, Michael Hammer et James Champy exhortent les dirigeants à « cesser d’agir comme des contremaîtres pour se conduire plutôt  comme des entraîneurs », ils le font dans l’intérêt du patron plutôt que celui des employés. Le patron évite d’être tenu pour responsable de ses actions; tout retombe sur les épaules de l’acteur.

Pour dire les choses de manière plus formelle, le pouvoir est présent sur les scènes superficielles du travail en équipe, mais l’autorité est absente. Une figure d’autorité est quelqu’un qui assume la responsabilité du pouvoir qu’il exerce. Dans une hiérarchie à l’ancienne, le patron pouvait le faire en déclarant carrément « c’est moi qui ai le pouvoir, je sais ce qui est le mieux, obéissez moi ». Les techniques modernes de management s’efforcent d’échapper au côté autoritaire de telles déclarations tout en s’efforçant par la même occasion d’avoir à rendre des comptes de leurs actes » /…/

 » Dans l’usine Subaru-Isuzu, où les dirigeants aiment à recourir à la métaphore sportive et se définissent comme des entraîneurs, Laurie Graham s’est rendu compte qu’il était difficile, voire fatal, à un ouvrier de parler directement des problèmes au patron / entraîneur en termes autres que ceux de la coopération au sein de l’équipe. Demander une augmentation ou un relâchement des pressions à l’accroissement de la productivité était perçu comme un manquement à l’esprit coopératif. En équipe, le bon joueur ne geint pas. En raison de la superficialité même de leur contenu et de la focalisation sur l’immédiat, mais aussi parce qu’elles évitent la résistance et détournent de l’affrontement, les fictions du travail en équipe sont donc utiles dans l’exercice de la domination ».

Il me revient de continuer à lire et à analyser les textes relatifs à cette question. Je ne manquerai pas de communiquer sur ce blog mes réflexions.

Pour le moment ce billet s’éloigne temporairement des questions d’éducation mais ce détour est indispensable pour mieux y revenir.

***

NDLR

La logique déontique (du grec déon, déontos : devoir, ce qu’il faut, ce qui convient) tente de formaliser les rapports qui existent entre les quatre alternatives d’une loi : l’obligation, l’interdiction, la permission et le facultatif.

Gottfried Wilheim Leibniz en 16701 proposa le premier d’appliquer la logique modale à la morale en remarquant l’analogie suivante : « l’obligatoire (modalité déontique) est ce qu’il est nécessaire (modalité aléthique) que fasse l’homme bon. Il proposa la correspondante suivante :

  • Le juste, le permis est ce qu’il est possible que fasse l’homme bon.
  • L’injuste, l’interdit est ce qu’il est impossible que fasse l’homme bon.
  • L’équitable, l’obligatoire est ce qu’il est nécessaire que fasse l’homme bon.
  • Le facultatif est ce qu’il est contingent que fasse l’homme bon. Source wikipédia