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Collaboration et outils numériques

20 Août

En avançant dans mes observations sur le numérique, j’essaye de  prendre plus de distance sur la façon dont on instrumente les terminaux de réception. Ils participent à une nouvelle façon de travailler, notamment par collaboration. Je tiens à préciser que la collaboration n’est pas la conséquence de l’introduction d’une machine mais bien le fruit d’une envie, d’une scénarisation, d’une connaissance des enjeux, des potentiels de la collaboration.

Lorsque l’on est situé dans un espace physique équipé de matériel numérique je me demande si l’équation un ordinateur (quelque soit sa forme) un apprenant est systématiquement pertinente, notamment pour une première approche. Nous avons tendance à vouloir systématiquement équiper les apprenants d’un ordinateur. L’équation un apprenant / un ordinateur a du sens mais pas dans toutes les situations me semble t-il.

Les tables tactiles me semblent être un outil qui présente des fonctionnalités intéressantes. Elles favorisent une approche plus collaborative car elles engagent à la fois le corps et l’esprit :

Le corps, parce ce que l’on peut  interagir collectivement sur l’écran, se déplacer autour de la table ;

L’esprit car le geste s’accompagne d’un prise de parole. Celui qui active l’écran de la table s’oblige à expliquer ce qu’il fait, la logique de son raisonnement.

Il va de soi que les scénarios construits doivent intégrer cette dimension de la collaboration, que les enseignants expliquent à leurs élèves les modalités d’action. Nous retombons ici sur des problématiques que j’ai déjà évoquées i.e la place de la voix, l’agencement des salles de cours.

il sera intéressant de suivre l’activité du blog de tactileo. En attendant j’ai tenté de formliser en images mes propos.

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Pourquoi organiser un atelier Légo ?

21 Mai

Depuis plusieurs années je manipule des Légos ( des playmobils aussi) à l’appui de mes réflexions. J’accepte volontiers que la démarche surprenne, on peut la trouver anecdotique, surprenante, drôle ou navrante mais …

Il me semble que ce travail doit être justifié, car au-delà des exercices photographiques professionnalo / personnels publiés ex abrupto ici ou , il y a une tentative de réflexion sur le rapport entre la main et l’esprit et sur le travail en équipe.  La collaboration est inscrite comme mode de fonctionnement quotidien et futur, en tout cas nous sommes enjoints à …  Le dialogue doit être  engagé dans les équipes pédagogiques sur la place du collectif, est ce simple ? Quel est le risque de la collaboration en silo ?

J’essaye de développer l’idée des ateliers Légos pour sensibiliser aux principes de la collaboration, des bienfaits du travail en équipes. La main libérant la parole.

À titre d’illustration, si les cadres de RFF et ceux de  la SNCF avaient réellement collaboré, avaient spatialisé leur projet, les trains auraient peut-être été aux normes des gabarits des gares (1) (ou l’inverse). C’est probablement une parfaite illustration du principe de la collaboration en silo (ne collaborer qu’entre pairs)

1. Justification de l’atelier

L’introduction du numérique dans les dispositifs de formation (enseignement et apprentissage) nous oblige à penser la façon dont ceux-ci seront instrumentés. Il ne s’agit pas bien évidemment de se contenter d’injecter des machines dans les dispositifs de formation. Accoler une couche technologique à la couche pédagogique, c’est au mieux alimenter un marché rentable, au pire s’égarer dans l’effet diligence.

Il faut que le projet de formation soit scénarisé en amont par l’équipe impliquée (enseignants, ingénieurs pédagogiques, équipe administrative, décideurs, informaticiens, administratifs, apprenants …)

Par scénarisation nous entendons la prise en compte de certains éléments incontournables :

• Le contexte pédagogique
• L’intention pédagogique
• Les acteurs impliqués dans le dispositif
• Les outils utilisés et les fonctionnalités qui sont instrumentées
• Les ressources qui sont produites.

Le scénario doit être formalisé. Il doit l’être par écrit dans le cadre d’un scénario formalisé classiquement, on peut mêler diverses sources comme l’écrit, les mindmapping, des schémas, un scénoform

On peut aussi chercher à organiser le projet, en structurant en complément des ateliers de réflexion collective où l’on cherche à associer la main et l’esprit. On cherche à spatialiser des concepts dans le cadre de notre réflexion.
Exemple lorsque l’on évoque un concept comme la collaboration et la coopération est-on sûr que les membres de l’équipe maîtrisent parfaitement ce concept ?

L’utilisation de Légos pour faire travailler des équipes est un acte de spatialisation conceptuelle à plusieurs titres :

• Spatialisation d’un concept parce qu’il est représenté dans un espace orthonormé ;
• Spatialisation des équipes dans un même lieu. Il me semble important d’associer les acteurs de services différents. L’enjeu est de limiter les effets de la collaboration en silo De mon point de vue la « collaboration en silo » consiste à travailler uniquement en groupe de pairs (les profs avec les profs, les administratifs avec les administratifs, les ingénieurs pédagogiques avec les ingénieurs pédagogiques…) . Il est important d’unir les réflexions de personnes de services, de formation, de grades différents faute de quoi la collaboration est conçue sur la base de codes  et de culture communs (c’est contreproductif).

Poser un Légo à un endroit déterminé va engager à justifier ses choix (liens entre un objet et un concept) pour celui qui agit et à écouter pour les autres (on évite l’injonction systématique). La verbalisation des actions, du geste spatialisé me semble être travail fécond parce que le travail est inscrit forcément dans l’interaction d’un groupe situé en face à face.

En résumé

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Capture d’écran 2014-05-22 à 10.51.11

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2. Exemple d’atelier à mettre en œuvre

Dans les dispositifs de formation la coopération et la collaboration sont devenues des attitudes nécessaires dans les relations d’interactions humaines. Nous le lisons dans une multitude de revues, de billets de blogs, d’articles, pour autant sommes nous capables de l’absorber et de le restituer dans nos usages ?

Prenons une posture de formation qui consiste :

• À interroger nos connaissances théoriques du concept [voir A ) et B) ].

Cette démarche relève du savoir personnel ;

• À constituer des groupes (si possible de services différents) qui vont tenter de spatialiser un concept en instrumentant des Légos. S’éloigner des cadres habituels de réflexion obligera à se concentrer sur le sujet car tout le monde redevient à égalité dans le processus de réflexion ;
• À accepter de penser en instrumentant des outils à connotation non professionnelle. Nous sommes ici dans une démarche qui décentre les repères de la conception. Le « serious game » manuel proposé oblige à œuvrer dans deux registres simultanés contradictoires – La scénarisation fine et l’instrumentation d’objets du registre de l’enfance. (facteur de destabilisation)
• À ce que le groupe engage une discussion argumentée pour spatialiser sa thématique ;
• À obliger des groupes à dialoguer et à argumenter. Il est même conseillé de constituer les groupes avec des personnes de niveau hiérarchique différent ;
• À conserver une trace photographique de la construction.

A. Définition de la coopération

On parlera de travail ou d’apprentissage coopératif quand chaque apprenant doit participer à un travail commun, en créant ensemble quelque chose, chacun produisant une part. Un leader (un chef de projet ou un responsable d’équipe) élabore le scénario, supervise l’ensemble du projet, collecte les différentes parties produites, et si nécessaire, régule les interactions sociales qui permettent les ajustements nécessaires à la coopération. Le résultat du travail est la somme de toutes les parties réalisées. Les observations ont montré qu’un scénario coopératif pouvait marcher dans une classe et/ou à distance en utilisant les TIC, 1°, quand le professeur (ou le formateur, ou un responsable) a préalablement défini le produit attendu; 2°, quand le professeur est capable de gérer les groupes en prenant en compte les compétences individuelles; 3°, quand les apprenants se sentent impliqués.

  B. Définition de la collaboration

On parlera de travail ou d’apprentissage collaboratif quand les apprenants ont à résoudre un problème ou à élaborer ensemble une connaissance complexe. Il est alors impossible de définir à l’avance qui va faire quoi, combien de temps cela va prendre, quel résultat spécifique est attendu, etc. Chaque membre du groupe, impliqué dans un scénario collaboratif, doit s’engager, même s’il n’a aucune idée des coûts et/ou bénéfices qu’il en tirera pour lui. Il semble que cette stratégie fonctionne quand 1°, le groupe a des objectifs et/ou des besoins proches; 2°, le groupe partage des valeurs communes, même implicitement. L’histoire de l’Internet au CERN, l’histoire de Linux, l’histoire de l’encyclopédie libre Wikipedia peuvent être considérés comme des exemples de travail collaboratif.

Coopérer et collaborer quels sont les contours de ces concepts, sont-ils toujours positifs, comment les incorporer dans un système numérisé qui bouscule des habitudes établies. Est-on capable, a t-on envie de coopérer avec d’autres personnes d’autres services ? (collaboration en silo)

L’instrumentation des légos peut favoriser le dialogue dans les équipes en contraignant les personnes à justifier leurs choix, en les organisant. Le travail de groupe spatialisé oblige les membres du groupe à dialoguer, à oraliser les concepts.

3. L’atelier

Exemple de champ des possibles

Représenter les principes de collaboration et de collaboration avec des légos.

La place de l’écran dans une classe

La place de l’écran à son domicile

Le tuteur dans les dispositifs de formation en ligne

les silos***

(1) La SNCF a acheté des trains qui n’étaient pas aux normes des gares. Les trains ne pouvaient pas entrre dans les gares parce que trop larges.

Collaboration, coopération, analyse des principes

5 Mar

Nous lisons, nous entendons dans les discours actuels qu’il faut collaborer et coopérer. On nous explique qu’il faut travailler de concert au sein de groupes plus ou moins formels dont on ne sait à l’avance quelle sera la durée, la force et la capacité à produire des ressources.

Nous avons, me semble t-il, pour habitude de manier ces concepts en les accolant à un environnement positif, en tout cas dans le domaine de l’éducation. Collaborer c’est bien, coopérer c’est bon. C’est probablement vrai, mais cela ne nous interdit pas d’avoir une approche plus large du concept, moins incantatoire de mon point de vue. Je n’aime pas beaucoup les discours unanimistes qui à force d’être martelés s’imposent à la fin comme des vérités.

Je n’ai pas de position de principe, je cherche juste à creuser la question car elle est inscrite dans nos réflexions quotidiennes. Il est utile de regarder ce qui se dit, s’écrit à ce sujet dans la littérature. On peut trouver un ensemble d’articles de fond qui analysent la question de la collaboration et de la coopération et qui en donnent parfois des visions plus nuancées que les discours actuels.

Il faut tout d’abord que nous soyons d’accord sur la définition de ces concepts. J’ai commencé à les cadrer au sein d’un billet précédent.

Alain Baudrit dit « Qu’est-ce que l’apprentissage collaboratif ? Voilà une question bien embarrassante vu qu’il n’existe pas vraiment de définitions relatives à cette forme d’apprentissage » (Baudrit, 2007) in  » apprentissage collaboratif : des conceptions éloignées des deux  côtés de l’atlantique ?

Christine Gangloff-Ziegler dans un article intitulé « les freins au travail collaboratif » (2009) dit :

« Le travail collaboratif, en permettant de travailler à distance, modifie les pratiques antérieures qu’un salarié pourra chercher à conserver s’ils les percevaient comme des avantages: les déplacements s’il sont conçus comme un plaisir ou comme un élément participant à un statut social, la maîtrise de son temps à travers les agendas secrets (Brown, 2002) les échanges informels, les modes de rémunération ou les politiques de remboursement de frais, les systèmes de fidélisation qui procurent des avantages personnels. .. » analyse que j’avais amorcé de façon intuitive dans un billet précédent.

Ma revue de lecture me permet de faire émerger des analyses divergentes sur les pratiques collaboratives et coopératives notamment dans l’industrie.

  • Christophe Dejours

Dans son ouvrage intitulé « Travail vivant, Travail et émancipation (volume 2) , il donne un contre exemple particulièrement édifiant et instructif pour nos analyses.

Il dépeint une relation entre des salariés de l’industrie chimique où les relations de collaboration sont extrêmement négatives. Il décrit un moment de l’activité industrielle qui consiste à arrêter le cycle des installations chimiques pour assurer la maintenance. Cette opération, appelée « décroutage » des autoclaves, est une activité à risque pouvant entraîner des intoxications respiratoires et des affections cutanées chez ceux qui interviennent au cœur de la machine.

« Les salariés maisons avaient ainsi élaborés des règles de travail consistant à se garder les tâches de maintenance les moins pénibles physiquement et surtout les moins dangereuses du point de vue des risques toxiques. Quand survenait une panne et qu’il fallait intervenir à chaud sur des machines dans des atmosphères confinées à haute température et avec forte saturation en produits chimiques, alors il était d’usage de téléphoner pour « appeler les Arabes ». Les ouvriers maison, faut-il encore le préciser, étaient alors dans leur presque totalité, membres des deux principales fédérations syndicales nationales de la chimie.
Des situations de ce genre font apparaître que l’activité déontique  (1) peut faire naître de fortes solidarités à l’intérieur. Toutefois cette solidarité destinée d’abord à lutter contre les injustices venues d’en haut permet aussi de redistribuer parfois l’injustice vers le bas. La coopération, même si elle cultive l’entente, n’est pas axiologiquement au-dessus de tout soupçon. Est-il possible de comprendre à quelles conditions la déontique du faire peut s’inscrire au profit du « monde » ou au contraire basculer au profit de l’injustice /…/ » Christophe Dejours, « Travail Vivant – 2 Travail et émancipation », petite bibliothèque Payot (2009)

Je trouve ce passage édifiant car on voit ici décrit un processus de coopération qui débouche sur des relations que j’ose qualifier d’extrêmement toxiques.

  • Richard Sennett – Dan son ouvrage « le travail sans qualité » il analyse la notion de coopération, non comme un instrument d’émancipation mais comme celui de la domination. Voici quelques extraits des pages 160 à 163 – Éditions 10/18

« Lorsque, dans le Re-engeneering the corporation, Michael Hammer et James Champy exhortent les dirigeants à « cesser d’agir comme des contremaîtres pour se conduire plutôt  comme des entraîneurs », ils le font dans l’intérêt du patron plutôt que celui des employés. Le patron évite d’être tenu pour responsable de ses actions; tout retombe sur les épaules de l’acteur.

Pour dire les choses de manière plus formelle, le pouvoir est présent sur les scènes superficielles du travail en équipe, mais l’autorité est absente. Une figure d’autorité est quelqu’un qui assume la responsabilité du pouvoir qu’il exerce. Dans une hiérarchie à l’ancienne, le patron pouvait le faire en déclarant carrément « c’est moi qui ai le pouvoir, je sais ce qui est le mieux, obéissez moi ». Les techniques modernes de management s’efforcent d’échapper au côté autoritaire de telles déclarations tout en s’efforçant par la même occasion d’avoir à rendre des comptes de leurs actes » /…/

 » Dans l’usine Subaru-Isuzu, où les dirigeants aiment à recourir à la métaphore sportive et se définissent comme des entraîneurs, Laurie Graham s’est rendu compte qu’il était difficile, voire fatal, à un ouvrier de parler directement des problèmes au patron / entraîneur en termes autres que ceux de la coopération au sein de l’équipe. Demander une augmentation ou un relâchement des pressions à l’accroissement de la productivité était perçu comme un manquement à l’esprit coopératif. En équipe, le bon joueur ne geint pas. En raison de la superficialité même de leur contenu et de la focalisation sur l’immédiat, mais aussi parce qu’elles évitent la résistance et détournent de l’affrontement, les fictions du travail en équipe sont donc utiles dans l’exercice de la domination ».

Il me revient de continuer à lire et à analyser les textes relatifs à cette question. Je ne manquerai pas de communiquer sur ce blog mes réflexions.

Pour le moment ce billet s’éloigne temporairement des questions d’éducation mais ce détour est indispensable pour mieux y revenir.

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NDLR

La logique déontique (du grec déon, déontos : devoir, ce qu’il faut, ce qui convient) tente de formaliser les rapports qui existent entre les quatre alternatives d’une loi : l’obligation, l’interdiction, la permission et le facultatif.

Gottfried Wilheim Leibniz en 16701 proposa le premier d’appliquer la logique modale à la morale en remarquant l’analogie suivante : « l’obligatoire (modalité déontique) est ce qu’il est nécessaire (modalité aléthique) que fasse l’homme bon. Il proposa la correspondante suivante :

  • Le juste, le permis est ce qu’il est possible que fasse l’homme bon.
  • L’injuste, l’interdit est ce qu’il est impossible que fasse l’homme bon.
  • L’équitable, l’obligatoire est ce qu’il est nécessaire que fasse l’homme bon.
  • Le facultatif est ce qu’il est contingent que fasse l’homme bon. Source wikipédia

Le numérique, la reconquête de la voix, la reconquête de l’espace.

4 Avr

La réflexion que je tente de mener dans ce blog est orientée nouvelle technologie et éducation. Les mots futur, avenir, innovation semblent être inscrits au fronton de cette réflexion, pourtant … Il est toujours utile de regarder du côté de l’histoire et de la littérature pour éclairer sa réflexion.

Le livre d’Alberto Manguel « une histoire de la lecture » actes sud, (1998) ne cesse de me surprendre et de m’aider dans mes réflexions. Il nous dit qu’au début de la lecture, on lisait à voix haute dans les bibliothèques, lire à voix basse  (lire « dans sa tête » comme nous le faisons aujourd’hui) n’était pas envisageable «  Pour Ambroise, lire avait été un acte solitaire. « Peut être craignait-il, s’il lisait à haute voix, songeait Augustin, qu’un passage difficile chez l’auteur qu’il lisait ne suscitât une question dans l’esprit d’un auditeur attentif, et qu’il ne dût alors en expliquer la signification ou même discuter de certains points les plus abstrus«  » (page 70)

« Si la lecture à voix haute était la norme des les débuts de l’écrit, qu’était- ce que lire dans les grandes bibliothèques antiques ? Le savant assyrien qui consultait l’une des trente mille tablettes de la bibliothèque du roi Assurbanipal au VII siècle avant J.-C, les dérouleurs de parchemins dans les bibliothèques d’Alexandrie et de Pergame, Augustin lui même à la recherche d’un certain texte dans la bibliothèque de Carthage et de Rome, doivent avoir travaillé au milieu d’une rumeur bourdonnante. » (Page 62)

Nous avons depuis appris à lire silencieusement les textes qui nous nourrissent, nous avons appris à écouter silencieusement l’enseignant (celui qui répète le livre dit Michel Serres) en classe et en amphithéâtre. Nous avons tous foudroyé du regard l’importun qui bavardait dans la grande salle vernissée de la BU de notre jeunesse universitaire.

Le numérique est en train de modifier cet ordre établi parce qu’il remet au centre de nos apprentissages la voix.

Les modifications sont multiples, nous pouvons les identifier dans nos usages d’enseignants.

Nous ne travaillons plus uniquement sur des supports constitués par le texte et l’image, nous utilisons abondamment les fichiers sons (podcast, radios, musiques …) pour construire nos cours. Par extension les apprenants écoutent. Nous insérons des fichiers vidéos, l’actualité des MOOC renforce mon propos. La voix le dispute au texte.

Les mots coopérations et collaboration sont les incontournables des thématiques pédagogiques. La voix est au centre de ces modalités, il faut se concerter, débattre, la voix intervient obligatoirement.

Cette voix reconquise s’exprime dans des espaces qui ont été conçus pour un schéma d’intervention descendant représenté par la voix du maître. Ce constat doit nous amener à penser à nouveau la conception des espaces physiques d’apprentissage et d’enseignement. Comment doit on intégrer la voix dans ces espaces recomposés ? Les universités ont commencé à donner des éléments de réponses en mettant à disposition des étudiants et de leurs enseignants des espaces clos dans les bibliothèques. Il faudra que les collèges et les lycées imaginent ces nouveaux espaces où la voix n’est plus vécue obligatoirement comme un signe de perturbation.

Ce sera forcément un espace ouvert sur l’extérieur via les réseaux numériques, ce sera un espace ouvert à la voix. La voix pourra être descendante (écoute de vidéos, de podcast, visualisation d’émission de télévision). Elle sera aussi une voix inscrite comme un  élément de communication, un élément de travail au sein d’ un réseau  structurant un travail collaboratif et / ou collaboratif. Cette voix sera instrumentée ou pas.

La réflexion est de taille, et on ne pourra l’éluder en se contentant de qualifier le lieu possédant un ordinateur comme le lieu ad hoc. La question est certes spatiale (il faut domestiquer, organiser les flux vocaux) mais elle est avant tout pédagogique, nous avons déjà commis l’erreur de penser que l’outil serait le remède à nos maux pédagogiques, ne reproduisons pas l’erreur en proclamant qu’un simple espace doit tout résoudre. La voix dans l’espace physique et numérique est une question centrale mais ne perdons pas de vue qu’ elle est inféodée à la pédagogie.

Nos « petits poucets » et nos « petites poucettes (1) » ne s’y tromperont pas, ils seront nos juges intransigeants.

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(1) Petite poucette Michel Serres (2013) éditions le pommier http://www.editions-lepommier.fr/ouvrage.asp?IDLivre=534

Peut-on devenir ami avec ses élèves sur Facebook ?

23 Déc

Un billet rédigé en 2009 sur le blog de @chrism. Je l’insère dans ce blog pour conserver une trace de ce que j’ai rédigé.  3 ans plus tard je n’ai pas changé d’avis.

Le métier d’enseignant depuis l’introduction du numérique (certains parlent d’arrivée par effraction – Pierre Fonkoua ENS – Yaoundé) devient, contrairement à de nombreuses idées communément admises, très complexe.
Heureux ( ?) Dans sa simplicité le temps du face à face pédagogique circonscrit en un lieu et à un temps normé. Une classe, des murs, un lieu d’interactions entre des acteurs bien identifiés. L’ère numérique entamée à la fin du 20ème siècle a bouleversé cet équilibre. Le temps et l’espace sont devenus poreux, l’espace éducatif est en expansion. Dans cet espace qui semble sans limite est apparu Facebook. Les enseignants et les apprenants (ou l’inverse) s’en sont emparés techniquement et ont construit des espaces de collaboration qui commencent à se mêler et ils suscitent des interrogations sur leur cohérence. Faut-il, peut –on devenir ami avec ses élèves ? Simple à exprimer mais complexe à résoudre la question de la réunion du singulier et du pluriel est au centre du débat.

· Sur la forme – Le registre du singulier

La structure de Facebook correspond à un type particulier de culture numérique : celle où le modèle dominant est caractérisé par l’immédiateté et l’empilement. J’écris, je publie sans soucis d’ordre, de classement, de priorisation de mes idées.
La structure formelle de FB ne laisse pas de place à une réflexion a priori sur les possibilités ergonomiques de navigation. Se trouveront par conséquent empilés (si l’on y prend garde) : des strates de vie, des instants émotionnels, 140 mots de twitt, descriptifs d’instants de joie, de dépit ou des tranches de vie. Pour les images FB donne une nouvelle vie à l’expression pêle – mêle, la tentative artistique VS argentique côtoie l’instantané numérique d’une soirée arrosée. En résumé Face Book ne permet pas (ou peu) techniquement à l’auteur de scénariser sa mise en ligne. L’artefact ne se gère pas d’un point de vue formel. Je reprendrai la formule de Pierre Assouline dans son blog « la république des livres », FB est un « journal extime » à ciel ouvert. Extime parce que l’on se livre, extime parce qu’il n’est pas possible de passer par le stade du brouillon, la mise en ligne est immédiate. Je ne mets pas en ligne parce que la version Vn me satisfait enfin mais parce que l’instant me paraît propice, parce que l’émotion est trop forte, parce que l’action présente bien qu’insignifiante me paraît digne d’être diffusée. Impossible de sérier mes champs d’intérêts par une thématique, ou par un mot clé. Le commentaire sur la pause au distributeur de café le disputera forcément à la note de lecture sur « un monde sans limite essai pour une clinique psychanalytique du social » de Jean-Pierre Lebrun.

· Sur le fond – L’expression du pluriel

Comment par conséquent répondre à la question : « Peut – on devenir ami avec ses anciens élèves / étudiants ? » En l’absence de réflexion sur la forme et / ou en l’absence de possibilité d’organiser la forme ? Il faudra certainement se poser a priori cette question « A qui est destiné Mon facebook ? » Techniquement il s’adresse à tout le monde, concrètement ma sphère sociale est fractionnée. Comment avec un outil simple, souple, léger et ubiquitaire puis je tenter de résoudre des questions de relations sociales infiniment complexes ? Est-il possible de communiquer avec un outil unique aux fonctionnalités réduites pour dialoguer dans des champs hétérogènes ?

Pour conclure si j’avais à donner un avis sur peut-on de venir ami avec ses élèves sur Face Book ? La réponse ne peut être tranchée par un oui ou un non. FB doit se conjuguer au pluriel et renvoie à la question de l’identité numérique. Devenir ami avec ses anciens élèves pourquoi pas mais … avec une page FB dédiée, un niveau de discussion adaptée, des sujets balisés, un niveau d’information sur soi filtré.

Acquisition de compétences par l’usage

15 Nov

Donner des travaux aux étudiants permet de mieux comprendre les enjeux de ce métier. Je viens de lire les rapports de stage de mes étudiantes de BTS design de mode option mode et textile. J’avais posé comme préalable d’envoyer les travaux par e.mail sous le format .pdf. Cette modalité de travail est moins gourmande en papier et me permet de corriger directement dans le document.

J’ai reçu pendant les vacances de Toussaint 26 rapports de stage (à la différence de mes collègues de spécialité, j’ai la classe toutes options confondues, qu’on se le dise !). L’objectif de ce travail était de vérifier la capacité à rendre compte d’une expérience de terrain sous forme écrite. Au final et de façon involontaire j’ai pu me rendre compte que mes étudiantes ne maîtrisaient absolument pas une compétence indispensable lorsque l’on souhaite devenir designer …

Les fichiers .pdf reçus pendant les vacances affichaient, pour la plupart, des volumes impressionnants (18 MO et plus). Étant fibré à la maison, j’ai pu réceptionner et corriger les travaux mais … pour certains travaux, je n’ai pas pu les renvoyer (la BAL des étudiants n’acceptant pas des volumes aussi importants). Cet épisode de validation classique me permettait de mettre en évidence un manque de compétence important – Le manque de maîtrise des enjeux du print et du web. Le print s’accommode des volumes importants (il est même conseillé), le web nécessite d’alléger les fichiers.

Certaines étudiantes avaient trouvé une solution intermédiaire, en déposant le fichier sur un site hébergeur et m’envoyant le lien.

En résumé, en donnant un travail j’ai isolé une carence professionnelle, la gestion des envois fichiers. Nous en avons discuté en cours, des étudiantes ont regardé si Indesign (logiciel utilisé en cours) intégrait un module de compression. C’est le cas. J’ai reçu des copies écrans et j’ai crée un document à fin de mutualisation auprès de toutes les étudiantes. (ci-dessous).

Un exemple de découverte de compétences par l’usage qui me paraît significatif.

terminologie coopératif, collaboratif

9 Juin

Les notions de coopératif, collaboratif sont utilisées, reprises à longueur de billets, de tweets mais je ne suis pas sûr que tout le monde donne le même sens à ces termes.

Voici un extrait du livre Campus numérique FORSE – PURH qui précise ses notions :

« «Eléments de clarification terminologique

Cependant, avant de rendre compte d’un tel scénario, précisons, en référence à un certain nombre de travaux du domaine, ce que nous entendons par apprentissage collaboratif. Les termes coopératifs, collaboratif, collectif, en effet, ne recouvrent ni la même façon de procéder, ni les mêmes enjeux.

On parlera de travail ou d’apprentissage coopératif quand chaque apprenant doit participer à un travail commun, en créant ensemble quelque chose, chacun produisant une part. Un leader (un chef de projet ou un responsable d’équipe) élabore le scénario, supervise l’ensemble du projet, collecte les différentes parties produites, et si nécessaire, régule les interactions sociales qui permettent les ajustements nécessaires à la coopération. Le résultat du travail est la somme de toutes les parties réalisées. Les observations ont montré qu’un scénario coopératif pouvait marcher dans une classe et/ou à distance en utilisant les TIC, 1°, quand le professeur (ou le formateur, ou un responsable) a préalablement défini le produit attendu; 2°, quand le professeur est capable de gérer les groupes en prenant en compte les compétences individuelles; 3°, quand les apprenants se sentent impliqués.

On parlera de travail ou d’apprentissage collaboratif quand les apprenants ont à résoudre un problème ou à élaborer ensemble une connaissance complexe. Il est alors impossible de définir à l’avance qui va faire quoi, combien de temps cela va prendre, quel résultat spécifique est attendu, etc. Chaque membre du groupe, impliqué dans un scénario collaboratif, doit s’engager, même s’il n’a aucune idée des coûts et/ou bénéfices qu’il en tirera pour lui. Il semble que cette stratégie fonctionne quand 1°, le groupe a des objectifs et/ou des besoins proches; 2°, le groupe partage des valeurs communes, même implicitement. L’histoire de l’Internet au CERN, l’histoire de Linux, l’histoire de l’encyclopédie libre Wikipedia peuvent être considérés comme des exemples de travail collaboratif.

Le terme d’intelligence collective a été défini, en tant que concept sociologique et anthropologique, par Pierre Levy en 1994, comme un important élément issu de l’organisation en réseau et de la cyberculture, dans une société réseau, « L’intelligence collective est fondée en premier lieu sur un principe fort : chacun sait quelque chose. […]

le cyberespace manifeste des propriétés neuves qui en font un instrument de coordination non hiérarchique, de mise en synergie rapide des intelligences, d’échanges de connaissances et de navigations dans les savoirs.. » Le concept d’intelligence collective réfère le plus souvent à la capacité qu’ont les communautés Humaines à évoluer vers une organisation d’un haut niveau de complexité et d’intégration à travers la collaboration et l’innovation. Derrière les réseaux technologiques, Lévy repère les immenses potentialités des interactions humaines. Selon lui, la technologie peut rendre plus facile aux hommes la possibilité d’interagir par-delà des distances toujours plus grandes. Dans le présent et l’avenir de l’humanité, il affirme que le lieu physique est moins important que les interactions des individus. Lors d’une conférence donnée à l’ENS de Lyon, en juin 2006, douze ans après le parution de « L’intelligence collective », Pierre Lévy en souligne à nouveau le caractère «  »auto-entretenu et dynamique ».» Hélène Godinet (2007) – Campus numérique FORSE – PURH

Travail collaboratif en classe

4 Déc

Eric Guiraut, professeur en STG (économie et gestion) au lycée Carriat de Bourg en Bresse fait état d’une expérience de travail collaboratif en classe. J’aimerais retenir avant tout dans ce travail de réflexion la volonté de faire travailler ses élèves sous une forme (encore) inhabituelle mais enthousiasmante. Un travail à suivre

NB : En cliquant sur une image on a accès au film de la séance. Une trace intéressante du processus de collaboration.

 

La film récapitulatif (extrait)

 

Travail collaboratif

8 Oct

Le discours commun sur les technologies numériques en éducation établit souvent un lien de cause à effet entre l’introduction des technologies et la performance éducative. Le discours technophile  rassurant, particulièrement pour le travail collaboratif se doit d’être tempéré par une posture réflexive.

Suffit-il d’introduire des machines et des espaces numériques dans une classe pour entraîner ipso facto une relation de type collaboratif entre les divers acteurs ? Les besoins précèdent-ils l’outil ou l’outil créé t-il le besoin ? Le travail collaboratif est-il le résultat d’un contexte relationnel ou la conséquence d’une organisation technologique ?

La question du travail collaboratif retiendra notre attention.

Lire la suite

Expérience de travail collaboratif distant

26 Juin

Un suivi d’expérience auprès d’un groupe de designers mode et textile est lancé au lycée La Martinière de Lyon. L’utilisation d’un blog pour essayer de déterminer les capacités du travail collaboratif auprès d’un groupe d’étudiants.

Les enjeux sont multiples :

– travailler de façon collaborative ;

– utiliser les fonctionnalités de environnements numériques ;

– utiliser les fonctionnalités des technologies nomades ;

– jouer la carte de l’interactivité ;

– prendre le risque de se confronter à un savoir numérique plus étendu que le sien (professeur) ;

– mobiliser de nouvelles compétences ;

– apprendre en même temps que ses étudiants ;

– embarquer d’autres enseignants, d’autres disciplines dans cette expérience ?

Un article rédigé à ce sujet sur le blog de cours design de mode et textile