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La classe virtuelle et les dispositifs de formation

20 Avr

Après quelques mois de déploiement des classes virtuelles dans mes formations …

L’enseignement à distance déployé via divers dispositifs commence à être visible dans les processus de formation. Cette année universitaire j’ai abondamment utilisé la technique de la classe virtuelle et je suis en capacité d’en tirer les premières conclusions.

La classe virtuelle permet d’organiser un cours à distance grâce à une solution logicielle. Elle est définie de la façon suivante par l’Université européenne de Bretagne (UEB) :

« La classe virtuelle est une simulation, sur Internet, d’une classe réelle, permettant de numériser tous les échanges qui peuvent se tenir en face à face avec d’autres personnes (vision, son, échange de documents).

 La formation s’effectue en mode synchrone (en direct) entre un formateur et des apprenants pouvant géographiquement être séparés de plusieurs milliers de kilomètres.

 Il existe différents statuts dans la classe virtuelle :
  • L’animateur actif de la classe virtuelle, qui gère les rôles et les droits de chacun ainsi que le flux des informations (documents, prises de parole, interventions écrites…).
  • Les animateurs qui peuvent intervenir, attribuer des droits, transmettre des documents, mettre en place des activités.
  • Les participants, qui ont seulement les droits que les animateurs leur attribuent.

L’usage de la classe virtuelle a également été fortement influencé par la théorie socio-constructiviste de l’apprentissage, laissant une place importante à la discussion et aux échanges en tentant de reproduire, à distance, les interactions d’une salle de classe.« 

Simuler n’est cependant pas équivaloir…

Un outil fluide

Contrairement à une règle que je me suis institué, je vais commencer par évoquer la solution technique.

De prime abord la solution est fluide (ce qui est vrai). On peut maîtriser la solution en peu de temps ce qui donne un ratio temps de formation / utilisation en situation très faible. Les concepteurs (quelque soit la marque de la solution) ont su créer des produits souples avec des fonctionnalités très pédagogiques. On peut utiliser de nombreuses fonctionnalités, la vidéo, la voix, le chat, le partage de documents, le partage d’écran, les sondages.

Le paramétrage de la solution permet, en un temps assez bref, d’envoyer un lien aux apprenants afin qu’ils puissent participer à la réunion.

Cette apparente simplicité est un réel avantage mais c’est aussi un inconvénient si l’on se limite à aborder le sujet sous le seul angle du geste manipulatoire. Une formation de formateurs, une formation d’apprenants ne peut se résumer à la sempiternelle expression du « c’est simple« . Affirmation qui est, à bien des égards,  contreproductive.

La classe virtuelle est encore un objet peu installé dans les usages. Cet objet pédagogique est encore mal compris et trop souvent assimilé aux solutions personnelles de visioconférence comme « Skype« . C’est évidemment une source de confusion qui peut être lourde de conséquences.

Il est donc nécessaire de prendre le temps d’expliquer les enjeux aux acteurs des dispositifs avant tout déploiement en situation réelle. À défaut, la classe virtuelle peut être source de rejet et on entendra, répété à l’envi, « Tu vois ça marche pas« , « C‘est nul« , « Avec Skype au moins ça marche« , « Ce sont pourtant des professeurs des Universités, des MCF, et ils n’y sont pas arrivés« .

Un besoin d’accompagnement

Nous avons l’impérative obligation de nous détacher de nos habitus professionnels. Dans ce domaine le titre au sein de l’institution est à détacher des compétences numériques. Ne pas savoir faire à un instant n’est pas infamant, n’est pas une remise en cause des savoirs et des statuts.

Quel que soit le niveau, il faut accompagner les acteurs pour expliquer qu’une simulation n’est pas une identité de fonctionnement d’avec le réel de la classe, de l’amphithéâtre, du TD. Nous sommes dans des dispositifs proches ET pourtant différents, il faut savoir l’expliquer en l’argumentant.

IL FAUT ÊTRE PÉDAGOGUE, SAVOIR EXPLIQUER ET ACCOMPAGNER.

Le dispositif de classe virtuelle ne doit surtout pas commencer par l’expédition brute d’un lien de connexion. Il faut prendre le temps d’accompagner les utilisateurs. Même réduit à un temps bref le temps d’explication est incontournable.

Les acteurs sont réunis spatialement dans l’espace dématérialisé de travail mais ils sont géographiquement situés dans des espaces réels multiples [seul Vs groupe]. Il est important d’expliquer que la maîtrise de routines techniques  ne peut se concevoir qu’en intégrant la compréhension des enjeux pédagogiques qui sous tendent le dispositif.  Il importe donc d’expliquer qu’il peut y avoir des obstacles techniques qui viennent tempérer l’effet magique de la présentation de « l’expert« . La maîtrise de la classe virtuelle passe par un usage répété afin de fixer les routines.

Dans la pratique la fluidité du processus de formation peut être perturbée par diverses circonstances. On peut citer, à ce titre :

  • Les « firewalls« . Ils ont une fonction utilitaire certaine dans les structures et nous avons tendance à ne retenir que le facteur bloquant des entrées et des sorties de flux. N’oublions pas que nos étudiants peuvent être ceux de la formation continue et qu’ils se connectent du lieu institutionnel. Les DSI peuvent développer des mesures de sécurité qui bloquent les solutions non déclarées, non connues. Il reviendra à l’organisateur de prendre contact avec les services du DSI et d’expliquer quels sont les principes de cette solution.
  • Les acteurs passent obligatoirement par la connexion au web, c’est la condition sine qua non Capture d’écran 2015-04-20 à 14.38.28de l’accès. L’accès aux « tuyaux » doit être un objet de réflexion. Le filaire est toujours préférable au wifi, c’est une affirmation de bon sens. Il est cependant utile de prendre le temps d’expliquer comment établir une connexion filaire notamment à son domicile, de préciser que selon la situation sur le territoire les flux sont plus ou moins rapides. (vérifier son débit internet)

Lors de l’intégration d’une classe virtuelle  dans un module de formation, l’apprentissage participe d’un double mouvement, le temps d’apprentissage des enseignants et celui des apprenants.

Les modes de formations se diversifient et nous commençons à entre-apercevoir l’émergence d’invariants pédagogiques dans le continuum de la formation. Invariants et modification des métiers est un champ d’investigation de la recherche, me semble t-il. En regardant les technologies, nous voyons se profiler de nouveaux métiers qu’il faudra bien institutionnaliser. Qui saura prendre cette décision ?

De mon côté je vois se dessiner le métier d’enseignant chargé de l’écosystème technologique, celui qui connaît l’enseignement, l’a pratiqué, qui est doté d’un bagage techno-pédagogique pratique et théorique. Dit comme cela ma proposition est lapidaire, peu argumentée mais elle devra forcément être étudiée dans un avenir proche.

Qui prendra cette décision ?

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La classe connectée,

26 Mai

Comment imaginer le futur des enseignements et des apprentissages quand on ne dispose que des idées d’aujourd’hui ? C’est une question qui ne cesse de me tarauder lorsqu’il s’agit d’imaginer l’espace physique de formation. Je crains régulièrement d’habiller de code numérique des idées anciennes.

Nous entendons, nous lisons de plus en plus régulièrement le terme de classe connectée. Que recouvre ce terme avec lequel nous devons composer dans nos réflexions ? Qui est connecté (un lieu, des lieux, des machines, des personnes, les quatre en même temps? Quelle est la définition du mot classe ?

Tout d’abord il faut tenter de cerner le mot classe. Nous pouvons l’entendre au moins avec deux sens. Celui immobilier qui englobe les murs, les tables, les chaises, les tableaux. Doit-on envisager cette classe seule ou faut-il l’englober dans un ensemble plus vaste qui est l’établissement. Il faut ici se poser la question des agencements dans un contexte numérisé.

Nous pouvons aussi l’entendre comme l’ensemble des élèves constituant un groupe classe. Il est fréquent que nous parlions de nos élèves en évoquant  la classe de 6ème, la classe de quatrième, la classe de terminale.

Ces deux acceptions du terme ne nous renseigne pas sur sa taille et sa situation car elle peut être chiffrée à 15, à 30, à 400, à 800 … Elle peut être de taille modeste dans une classe unique dans une école de campagne ou un immense amphithéâtre  de 900 places pour des cohortes de L1.

On le constate c’est un terme unique qui nous est proposé pour évoquer un ensemble de solutions hétérogènes. Nous entrons dans la complexité.

Il ne s’agit pas de faire disparaître un terme pour en faire émerger un autre mais bien d’interroger ce concept, de le triturer, d’en extraire un substrat.

Qu’est ce qu’une classe au 21ème siècle ? Le concept large d’espace éducatif semble mieux convenir que celui de classe. La seule entité physique immobilière n’est plus suffisante pour appréhender correctement ce lieu. La classe est un subtil mélange entre l’espace réel et l’espace virtuel dans lesquels enseignants et apprenants circulent. C’est à partir de ce constat qu’il faut essayer de penser la classe connectée.

Il ne s’agira pas ici de limiter la réflexion aux acteurs du monde éducatif mais bien de l’élargir aux architectes, aux designers, aux programmistes, aux chercheurs, aux usagers, aux politiques, aux services des ressources humaines.

Qu’entend-on par classe connectée ? Qui est connecté ? On peut analyser ce concept à plusieurs niveaux de complexité :

1 – Intégrer des outils dans une salle pour remplacer l’analogique par du numérique. Nous sommes ici dans un processus de transfert /remplacement. La structure de la classe n’est pas foncièrement transformée car le  matériel est souvent concentré en un lieu dédié (la salle informatique). On est encore dans un processus de partition entre le cours traditionnel et le cours instrumenté.

2 – Les outils sont insérés dans la classe et l’on commence à mixer l’espace réel avec l’espace virtuel. On commence à scénariser mais il faut bien être conscient des difficultés liées ; au risque de l’effet diligence, aux temps perdus en réglage, aux quêtes de la connexion parfaite (ou dit autrement à batailler contre l’absence de connexion) …

 3 – Intégrer les outils numériques et développer une réflexion qui permettent de passer d’une logique de formation classique à une logique de formation instrumentée. La réflexion est menée par les enseignants, les équipes enseignantes. Formation et lieu de formation sont encore indissociables à ce stade.

4 – Intégrer les outils numériques et développer une réflexion qui permette de passer d’une logique de formation classique à une logique de formation instrumentée transversale. La réflexion est menée au niveau d’un établissement. On intègre dans le processus réflexif la communauté scolaire qui collabore en inter-corps. On peut commencer à modifier, non plus la seule structure de la salle mais l’agencement de certaines parties de l’établissement. Nous sommes ici encore largement dépendant de l’effet prof / chef d’établissement. Les constructions sont très dépendantes des individus et pas encore de la structure.

5 – Engager une réflexion sur le sens du terme connecté pour une classe, c’est-à-dire au-delà de la simple capacité technique de connecter des outils au web.  Nous pouvons entendre ici le terme connecté comme la capacité opérationnelle d’associer les machines et les acteurs :

Connecter des machines — > C’est se poser la question de leur placement dans l’espace. Où doit-on les placer pour favoriser la collaboration en classe si l’on part du postulat que les fonctionnalités de ces machines tendent à favoriser la collaboration et la coopération.

Connecter des individus — > Il faut partir à nouveau de la spatialisation desdits individus. Pense t-on que la classe est le seul lieu d’apprentissage et d’enseignement ? Si non il faut converger vers le concept d’espace de formation connecté et plus celui réducteur de classe connectée.

Il faut ici identifier quels sont ces espaces ? Ceux au sein desquels s’exercent des interactions :

L’espace de la classe comme lieu d’interaction entre un enseignant et des apprenants. Les designers, les architectes, les programmistes, les acteur de terrains peuvent s’emparer de ce débat en collaborant ;

L’espace de l’établissement au sein duquel peuvent s’exercer une multitude d’interactions scénarisées. Les équipes, les chefs d’établissement peuvent s’emparer ce ce débat en collaborant ;

Les espaces d’une multitude d’établissements au sein desquels des équipes peuvent collaborer. c’est peut être ici que commence la réflexion le concept de connexion. Le numérique nous donne enfin la possibilité de faire converger les savoirs là où on peut les trouver. La classe existe aussi comme lieu d’entrée vers des interactions multiples. Les équipes des réunions de bassins peuvent s’en emparer en associant les acteurs des projets ;

Les espaces personnels des acteurs (enseignants et apprenants) sont devenus des espaces du savoir car le numérique professionnalise par intermittence ce lieu. En disant cela, j’induis l’idée qu’un enseignant peut travailler de son domicile (ou d’un lieu de télétravail dans un établissement qui reste à inventer). La question ici plus que technique est politique et juridique car il faut redéfinir le temps de travail. Qu’est ce que le temps de travail si la connexion affranchit parfois du rapport présentiel enseignant / apprenant. Nous entrons ici dans l’innovation de la classe connectée. C’est de l’innovation sociale :

Comment imaginer juridiquement le nouveau temps de travail dans l’espace de formation connectée ? Comment réguler ces temps connectés ? Comment réguler les espaces connectés ? La distance peut-elle devenir une variable des services enseignants et apprenants ? Peut on imaginer une économie de la confiance lorsque la classe connectée agrège des compétences distantes ?

L’innovation est l’horizon du quotidien des enseignants, il faut la compléter par de l’imagination et de l’audace politique (État et collectivités locales) pour penser réellement la classe connectée.

La classe connectée en tant qu’espace large d’interaction s’exerçant dans des lieux institutionnels et / ou privés devrait engager les constructeurs immobiliers à penser la conception d’espace collectifs dans les immeubles. Pourquoi ne pas imaginer des pièces communes de co-working  dans les immeubles ? La collaboration doit se vivre par l’imagination. Dite aujourd’hui l’idée peut paraître farfelue mais elle mérite une réflexion me semble t-il.

Dans ce billet, je me suis contenté d’ébaucher une réflexion, il faudrait que d’autres contribuent à cette amorce de cadrage.

Je termine ce billet par cette sempiternelle bouteille à la mer, décideurs, politiques, enseignants, cadres, élèves les colonnes de ce blog vous sont ouvertes pour argumenter, débattre. Oser ce serait déjà un réel acte de connexion à vocation réticulaire.