Avancer ou s’arrêter

27 Avr

sipa_ap21623684_000004  L’intégration du numérique dans le corps social ne cesse de me questionner parce qu’il est comme le Pharmakon Grec (tout dépend de la dose injectée, cela soigne ou cela tue). J’ai observé pendant deux jours (25 et 26 avril 2015) une opération de Remix, le GAREMIX qui consistait à imaginer, à faire des propositions pour agencer autrement le lieu gare, lieu  de passage. La gare Saint Paul de Lyon était l’objet de cette réflexion collective citoyenne.

Peut-on s’arrêter dans une gare ? Peut-on y exercer une activité sociale d’interaction ? C’est ce que j’ai compris de ce happening urbain interactif.

Venu pour observer sans objectifs précis, j’en suis ressorti avec des questions supplémentaires. J’ai l’habitude de voyager. Dans mon ancien métier j’allais régulièrement à Lille, depuis quelques années je me rends à Poitiers. Dans les deux cas j’arpente les gares de l’axe Lyon, Marne la Vallée, Charles de Gaulle, Lille Europe.

Ce sont des lieux nouveaux que je déteste, alors même que l’association béton, verre m’a toujours séduit, ainsi que le voyage. Pourquoi suis je dans le registre de la détestation ? Parce que ces gares sont aujourd’hui conçues pour des Hommes en mouvement qui  ne font que transiter. Froideur est l’adjectif qui convient le mieux pour décrire ces endroits. Surtout ne pas s’arrêter, se prémunir du froid (savamment entretenu par l’espace vide entre les murs et le toit) l’hiver et des courants d’air en toute saison. Plus de lieux de convivialité comme le train bleu de la gare de Lyon. La cafétéria sinistre, glaciale semble prévue pour bannir à jamais le mot gastronomie. De la première, à la dernière gorgée, la bière est fade, elle se résume au  simple geste du boire-poser le verre répété, compteur du temps qui reste avant l’annonce. du départ.

On ne s’arrête pas, on ne s’arrête plus, la bête humaine au 21ème siècle n’est plus le pilote mais le passager. Il est en mouvement, dans un immobilier fonctionnel, plus ou peu de sociabilité dans ces mausolées tristes ou le roi n’est pas, n’est plus. Architecture de Pouvoir sans le pouvoir.

Alors le passager entre dans d’autres espaces ou le social existe. C’est  celui des réseaux, tout le monde à la tête penchée sur son terminal, avance dans la gare, avance sur le quai, fuit le froid, monte dans le train…

La gare n’est plus qu’un lieu symbolique, un passage entre un avant et un après. Le présent de béton n’est pas.

J’espère que #garemix sera un début de réflexion sur la place de la gare, sa fonction (à nouveau) sociale, en réel comme en virtuel. Que vive le co-design

2 Réponses to “Avancer ou s’arrêter”

  1. Ninon Louise LePage 27 avril, 2015 à 5:26 #

    Que de nostalgie, une larme s’échappe de ce billet pourtant réaliste. Mais si je me réappropriais cet espace de passage. Si je ne me laissais pas imposer cette froideur. Si armée d’un sourire bienveillant, j’observe avec affection l’enfant qui joue calmement avec son iPad, les adolescents qui se bécotent derrière la colonne, le maladroit distrait qui trébuche sur les bagages du voisin, l’indifférence mutuelle de ces vieux qui se détestent et la touchante tendresse de ceux qui s’aiment. Car malgré le brouhaha, l’indifférence apparente, chacun de ces voisins de passage a un coeur qui bat, une tête qui pense. Pour sûr, ce n’est pas toujours apparent. Si je tenais en souriant la porte à la maman chargée d’enfants, offrais main à la veille dame aux genoux rigides, si la responsabilité d’humaniser l’espace commun m’appartenais . . .

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  1. Mobilité Vs immobilité | - 15 août, 2015

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