Le métier d’enseignant dans le secondaire est à multiples facettes. Avec le temps on voit se dessiner ses options de carrière, ses choix pédagogiques. J’ai choisi depuis quelques années d’instiller une dose de numérique dans mes enseignements. Le qualificatif d’innovant revient souvent chez ceux qui parlent de mon travail, j’ai même au le grand prix du numérique en 2011. Pourtant ce n’est pas ce que souhaite mettre en exergue. L’innovation pour le plaisir de l’innovation est un leurre, elle permet, au mieux, de satisfaire ponctuellement mon égo. Ce qui est primordial dans ce métier est la capacité à transmettre.
J’ai eu l’immense chance dans ma carrière d’intégrer l’équipe EducTice et de rencontrer Hélène Godinet. Trois années qui m’ont permis de comprendre que l’outil numérique est au service de l’apprentissage et de l’enseignement mais n’est en aucun cas une fin en soi. Depuis cette période, mon travail mêle les usages et la prise de recul réflexive.
Depuis le mois de juillet 2011, j’ai l’immense chance de pouvoir confronter mes analyses avec celles de Jacques Rodet sur la thématique des mondes virtuels et du e.tutorat. Nous avons été invité à participer à un séminaire esen. Notre intervention s’intitulait « Tutorat et/ou accompagnement… médiation entre savoirs et apprenants – pierre angulaire de l’apprentissage à distance ».
J’ai rédigé un article pour cette journée, il a été publié sur le blog de t@d. Ce blog est définit ainsi par son auteur « le blog de t@d réunit des billets d’actualité et de fond sur les différents aspects du tutorat à distance. » Je tiens à remercier Jacques Rodet pour son soutien et la mise à disposition de son espace de publication.
L’article rédigé pour le séminaire esen et publié sur le blog de t@d
« Depuis la création du blog tutvirt (http://tutvirt.blogspot.com), nous nous sommes abondamment penchés sur la structure des mondes virtuels et les conditions du tutorat (nous avons encore beaucoup d’hypothèses à vérifier). Nos analyses restent encore au stade du in vitro (même si nos nombreuses immersions nous ont confronté à des situations réelles). Nos postures professionnelles respectives, d’un côté un enseignant du supérieur (Jacques Rodet), de l’autre un enseignant du secondaire (Jean-Paul Moiraud) nous ont amené à trouver un terrain commun d’analyse. Probablement publierons nous un travail de synthèse mais…
L’analyse et l’usage de nos enseignements en ligne, nous amènent à émettre des intentions spécifiques, parce que nos contextes professionnels sont différents. Nous avons au centre de ce mouvement de balancier (antagoniste ?) un concept commun :
Le e.tutorat
Tenter d’isoler les conditions du e.tutorat dans le secondaire, c’est se poser la question de l’organisation spatiale et temporelle de la profession. Historiquement la transmission des savoirs s’effectue dans une unité de lieu et de temps. L’établissement (collège et lycée), est la référence largement partagée dans le métier. On apprend et on enseigne, majoritairement, à l’intérieur des murs.
Mon questionnement dans ce billet sera proche du principe de l’injonction paradoxale chère à l’école de Palo Alto. Je vais poser comme jalon cette première question : « Peut-on exercer un e.tutorat dans une structure organisée sur le principe d’unité d’espace et de temps ?«
La question est complexe, elle ne supporte pas une réponse dans le registre formel dichotomique de l’affirmatif ou du négatif, puisque le métier change (1). Elle constitue, à la façon d’un tableau impressionniste, une plasticité composée par l’union, la fusion d’une myriade de points.
1 – Les pratiques dans le monde de l’enseignement
1.1 – Le tutorat à l’université
Essayer de saisir la complexité du sujet consiste dans un premier temps à tourner son regard du côté des pratiques universitaires. Des formations à distance, totalement dématérialisées comme le campus FORSE (FORmation à distance en Sciences de l’Éducation) (2) ou hybrides comme à Rennes pour le master « métiers de la formation », ou le cours de droit des affaires canadiens à la FDV de Lyon (3) pour ne citer que ces exemples.
Un modèle qui se construit grâce aux nombreuses expériences de formation et de e.tutorat en ligne. En France et à l’étranger de nombreuses universités offrent des formations en ligne. Ce sont très souvent des dispositifs mixtes (blended learning), c’est-à-dire un mélange de présentiel et de distant (FAD). L’université maîtrise et développe ces dispositifs en y intégrant le tutorat (4). La chaîne de production d’un système de FAD s’opère par mise en place d’une division des tâches. Le concepteur de cours, le tuteur, les techniciens de l’ingénierie. Les modèles existent et ont fait leurs preuves.
1.2 – Le tutorat dans les dispositifs de formation continue
Les organismes de formation continue ont aussi intégré la formation à distance pour les salariés. Les intentions sont spécifiques puisqu’elles s’intègrent dans le cadre du Life Long Learning (LLL) ou formation tout au long de la vie. Les plans de formation sont élaborés en respectant des impératifs de rentabilité et de concurrence. Le législateur reconnait le principe du droit à la formation. Il est encadré par le DIF (5) (droit individuel de formation), le CIF et la VAE (validation des acquis d’expérience). Nous avons, dans ce blog évoqué, cette problématique en analysant les pratiques du GNFA (6) organisme de formation pour les professionnels de l’automobile. Le tutorat est un élément de ces dispositifs (7)
2 – Le tutorat dans du secondaire
Présence et distance, retrouve t-on ces deux notions dans les textes ?
2.2 Que disent les textes ?
2.2.1 – Les TPE (9) (Travaux Personnels Encadrés)
Le bulletin officiel définit ainsi l’esprit des TPE Les “travaux personnels encadrés” sont caractérisés par un travail, en partie collectif dans la majorité des cas, qui va de la conception d’un projet à sa réalisation concrète et à sa présentation orale s’appuyant sur une note synthétique individuelle«
De nombreux élèves et étudiants ont l’obligation de réaliser un stage pour valider leur diplôme. Les apprenants sont « soumis » a un double tutorat celui de leur enseignant référent et celui du tuteur en entreprise. Cette dualité est schématisée par le ministère pour le BTS MUC
2.2.3 – Les PPCP (Projets Pluridisciplinaires à Caractères Professionnels)
Dans les lycées professionnels, les équipes pédagogiques avec leurs élèves organisent des séquences de travail appelées PPCP . Les textes définissent ainsi le rapport de travail entre professeurs et élèves : « coanimation, animation par l’un des enseignants de tout ou partie de la classe, travail en autonomie des élèves, entretien avec tel ou tel groupe d’élèves etc » (10)
2.2.4 – Le parcours d’orientation (11)
Dans le cadre de l’orientation des élèves (de la cinquième à la terminale) il est énoncé le principe suivant : « Le parcours de découverte des métiers et des formations concerne tous les élèves, à tous les niveaux de l’enseignement secondaire de la 5e à la classe terminale des cycles de lycées, soit en collège, en lycée général et technologique, en lycée professionnel. Il vise à sécuriser les parcours scolaires, mieux anticiper les transitions, permettre à chacun de construire son parcours personnel de façon la plus éclairée possible pour fonder sur des bases solides ses choix d’orientation. » (X) »Un tuteur conseille et guide un élève volontaire, pendant toute sa scolarité au lycée. Cette personne référente l’aide à construire son parcours de formation et d’orientation et le guide vers les ressources disponibles. Leur dialogue vise à créer les conditions qui permettent à l’élève de devenir autonome dans ses choix. »
3 – Tutorer dans et hors la classe
Le balayage rapide de quelques dispositifs nous montre que la notion de tutorat est présente et effective. L’enseignant du secondaire n’est plus cantonné dans la seule posture monolithique de la transmission. Il accompagne, il encadre, il co-anime, il « tutore« . Reste t-il dans sa classe ? Là encore les textes peuvent nous renseigner.
Revenons aux TPE. Ils prennent en compte la possibilité de faire sortir les élèves du lycée pour qu’ils puissent aller à la source de l’information. Le texte de cadrage spécifie à la rubrique « à l’extérieur de l’établissement » :
Un ensemble de verbes qui peut à l’identique s’appliquer à la mission d’enseignant en présentiel. En disant cela nous entrons dans le vif du sujet. Il faut élaborer une grille de conversion entre les compétences du métier d’enseignant et les compétences du métier de tuteur. Des verbes identiques pour des enjeux très différents.
3.1 – Tutorer dans la classeNous l’avons déjà évoqué, le tutorat (ou tout autre appellation) existe dans le secondaire. Je ne reviendrais pas sur ce point. Je souhaite analyser le champ du possible pour un e.tutorat. Aider, conseiller, renseigner, corriger … mais hors la classe. Y a t-il deux métiers différents, ou le métier d’enseignant est-il en train de pivoter sur ces bases ?
3.2 – Tutorer hors la classeC’est le point le plus difficile à analyser. J’ai eu l’occasion d’aborder cette question lors de la consultation de la mission Fourgous (12). J’ai tenté de faire le point sur la question du temps et de l’espace dans l’enseignement. Gardons nous des phrases définitives qui proclament l’abolition du temps et de l’espace, restons réalistes et affirmons que nous pouvons l’envisager.J’aborderai cette question sous l’angle technologique puis sous l’angle pédagogique, la liaison entre ces deux axes donnant du sens à l’enseignement et à l’apprentissage. (13)
3.2.1 – La technologie
Nous avons à ce jour une profusion d’outils à disposition. L’action conjuguée du ministère de l’éducation nationale et des collectivités locales (départements et régions), les initiatives personnelles des enseignants, donnent à voir des usages pédagogiques instrumentés.
3.2.1.1 – Les ENT
Le déploiement massif des ENT (14) permet a un grand nombre d’enseignants d’accéder à des solutions numériques. Les équipes des divers établissements français se penchent sur les possibles utilisations des ENT (15). Il pourrait permettre de faire éclater les murs de la classe si l’on sait inventer et mutualiser des usages et des scnénarios pertinents. Les enseignants pouvant externaliser dans les nuages (cloud) leurs cours, les élèves pouvant accéder hors le temps de classe des ressources.
3.2.1.3 – Les mondes virtuels
Je ne peux, bien évidemment, évoquer la question du e.tutorat, sans parler des mondes virtuels et en leur consacrant une rubrique spécifique. Ils s’inscrivent dans cette problématique de l’enseignement / apprentissage instrumenté. Je renvoie aux billets que nous avons rédigé au sein de ce blog.
3.2.2 – La pédagogie
Le choix de solutions technologiques dépend des intentions pédagogiques exprimées par les enseignants (et non le contraire). S’il fallait donner un tempo à la conception/ instrumentation du e.tutorat (dans le secondaire), je dirais que la démarche est la suivante :
- Définir ses intentions pédagogiques
- Sélectionner la (ou les) fonctionnalité(s) adaptée aux besoins.
- Tutorer (commencer à …)
Les enjeux pédagogiques du e.tutorat, ne sont pas qu’une question de technologie mais bien un enjeux de scénarisation. J’émets l’hypothèse que le métier d’enseignant doit (devrait) intégrer dans la formation initiale et continue une initiation à la méthodologie de scénarisation des dispositifs instrumentés. A défaut de sensibilisation, le risque est grand d’observer des pratiques de reproduction instrumentée d’anciennes méthodes ou le e.tutorat sera le grand absent.
4 – Le tutorat, freins et gains
4.1 – Les freins au tutorat
4.1.1 – L’autonomie des élèves des apprenants
4.2 – Les gains du tutorat
4.2.1 – Les segments de modules « tutorables »
4.2.1.1 – Le e.tutorat pour la formation par alternance
4.1.1.2 – Le e.tutorat pour les VAE
4.1.1.3 – Le e.tutorat pour les stages
- Possibilité de travailler en réseau. Déborder le cadre de l’établissement pour constituer des équipes inter-établissements
- Intégrer la notion de fonctionnalité pédagogique d’un outil
- Modifier la perception du métier, passer du transmissif simple à des compétences autres comme l’accompagnement, l’encadrement
- Construire le continuum pédagogique avec les autres établissements du supérieur
- Acquérir des compétences et une culture numérique.
4.2.3.1. – Acquérir une culture numérique
4.2.3.2. – Utiliser des compétences là où elles se trouvent
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(1) L’ordre numérique règne … https://moiraudjp.wordpress.com/2011/07/24/lordre-numerique-regne-le-regne-du-diy/
(2) Le campus FORSE http://www.sciencedu.org/ – Le campus numérique Forse, analyse et témoignage http://www.univ-rouen.fr/irshs/users/purh/spip.php?article521
(3) Master e.formation http://etudes.univ-rennes1.fr/master-mfeg
Cours de droit canadien FDV Lyon 3 Jean Moulin http://www.educpros.fr/detail-article/h/da8566f83f/a/e-learning-second-life-offre-une-salle-de-cours-virtuelle-a-la-fac-de-droit-de-lyon-3.html
(4) Le Campus numérique FORSE : analyses et témoignages PUR, 2007
(6) De l’influence … http://tutvirt.blogspot.com/2011/08/simulation-en-monde-virtuel-ou-serious.html – Le site du GNFA http://www.gnfa-auto.fr/
(7) Tutorat en entreprise http://tutoratenentreprise.blogspot.com/
(8) Le Campus numérique FORSE : analyses et témoignages PURF – Trois stratégies tutorales en licence (Page 46)
(9) Les TPE http://www.education.gouv.fr/botexte/bo010111/MENE0100008C.htm
(10) PPCP http://www.education.gouv.fr/botexte/bo010913/MENE0101763C.htm
(11) Les parcours d’orientation http://eduscol.education.fr/cid46878/le-parcours-decouverte-des-metiers-des-formations.html
(12) Temps numérique, temps statutaire (contribution à la mission Fourgous, 2009) https://moiraudjp.wordpress.com/2009/10/08/temps-numerique-temps-statutaire/ – La mission Fourgous http://missionfourgous-tice.fr/
(13) Jacques Rodet http://tutvirt.blogspot.com/2011/09/linnovation-en-formation-est-dabord.html
(14) Le déploiement des ENT http://eduscol.education.fr/dossier/espaces-numeriques-de-travail/reperes/deploiement-des-ent
(15) Les applications pédagogiques des ENT http://eduscol.education.fr/dossier/espaces-numeriques-de-travail/usages-ent/apports-pedagogiques/l-ent-au-service-de-la-pedagogie/?searchterm=ENT
(17) Bilans de pratiques en mondes immersifs https://moiraudjp.wordpress.com/2011/07/07/bilan-dactivite-2011-le-e-learning-dans-les-mondes-virtuels/ -Bilan TRAAM 2010 proposition d’utilisation d’un monde virtuel en situation d’apprentissage – http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/ecogestion/legt/spip.php?article608
Bonjour JP.
Excellent billet. Toutefois, dans tes exemples tu aurais pu citer les travaux que doivent réaliser les élèves dans les sections STG : étude et projet dans le cadre de leur enseignement de spécialité. Il faudra voir avec la réforme STG / STMG ce que ces travaux vont devenir et comment intégrer le tutorat à distance.
J’essaie cette année de faire ce type de tutorat avec des élèves de seconde, première et terminale. Ils doivent rédiger des billets pour un blog autour d’un thème d’actualité en prenant appui sur un article de presse en ligne. Je suis leur travail grâce à Google documents, je le commente et j’utilise parfois aussi le chat lorsque eux et moi sommes connectés en même temps.
EG
Bonjour Eric,
Si tu peux m’envoyer un topo sur le tutorat et étude et projet, je suis preneur 😉
amicalement
jpm