Et si l’enseignant innovant était un concept utile pour … ne pas innover ?

22 Fév

Enseignant innovant, le concept est à la mode depuis quelques années. On aime le montrer, valoriser ses travaux, lui attribuer des distinctions, le faire témoigner. Il est de bon ton de dire qu’il existe dans son établissement, qu’il produit des pédagogies différentes. Il est un alibi utile, il faut en avoir un, en connaître un, le faire venir témoigner mais …

N’est-il pas désormais un concept dépassé ? Il a été utile, nécessaire et indispensable pour passer du 1.0 au 2.0, le pionnier a eu une fonction sociale mais la modernité s’est installée, instillée, développée. l’innovant s’est épuisé, il lui arrive même de se démobiliser, de douter.

Peut-on aujourd’hui se contenter de  n’avoir que des enseignants innovants, isolés, atomisés, sympathiques curiosités du monde enseignant ? Ce serait vrai si le système éducatif se réduisait au seul monde enseignant, or nous savons tous que le système est complexe. Il est difficile de parler d’éducation, d’enseignement et d’apprentissage sans évoquer les apprenants, les chefs d’établissement, les corps d’inspections, les administrations, la recherche, les syndicats, les parents d’élèves,  j’en oublie certainement.

L’enseignant innovant est un concept dépassé. Il nous faut maintenant penser l’innovation comme un instrument global. C’est ici que se justifie mon titre car mettre la focale sur l’enseignement innovant permet, à bien des égards de conserver le système en l’état. En détournant le regard sur un « objet » que j’ose qualifier d’anecdotique (que mes collègues innovants m’excusent par avance de la violence voulue du terme anecdotique). Seul, l’enseignant innovant s’épuise, il se coupe petit à petit de son milieu, se marginalise car il avance au sein d’un système qui stagne. Comme dans  toute greffe il faut que le corps accepte la greffon faute de quoi c’est le rejet qui s’impose.

Capture d’écran 2014-02-22 à 13.28.30En glorifiant l’enseignant innovant on lui rend un mauvais service et on rend un mauvais service à l’institution. Nous nous trompons depuis des années, nous focalisons notre attention sur quelques individus quand c’est le système qu’il faut analyser. L’enseignant innovant est mort, que vive la structure innovante.

Si l’on veut innover alors regardons où sont les équipes innovantes, celles qui savent collaborer, travailler de concert, savent intégrer l’interdisciplinarité comme vecteur de la réussite. Ne plus regarder son voisin de classe, son pair d’amphithéâtre comme un étrange étranger mais comme un allié précieux.

Si  l’on veut innover, alors regardons où sont les chefs d’établissements  innovants, ceux qui acceptent de prendre le risque de modifier les habitudes, les usages confortablement acceptés pour être tranquilles. Le chef d’établissement global, expérimentateur qui ose le dialogue horizontal en complément du nécessaire hiérarchique.

Si l’on veut innover alors regardons où sont les IEN / IPR innovants, ceux qui osent valoriser le savoir académique comme la compétence acquise et développée. Savoir encourager l’innovation sans qu’elle se fasse au prix d’un renoncement salarial.

Si l’on veut innover regardons quelles sont les positions syndicales qui permettraient d’avancer dans le sens de l’innovation sociale.

Si l’on veut être innovant regardons du côté des collectivités locales qui engagent des politiques innovantes en osant imaginer des établissements adaptés aux modes collaboratifs et coopératifs. Savoir intégrer la technologie pédagogique au-delà de l’acte d’investissement simple dans le registre du dialogue ordonnateur / comptable.

Si l’on veut être innovant regardons du côté des modifications structurelles qui pourraient être envisagées. L’innovation pourrait tangenter vers la reconnaissance d’un temps numérique effectif dans les services, vers la reconnaissance d’un espace recomposé qui désignerait à côté  des espaces réels, les espaces numériques. Vers le reconnaissance des efforts engagés et des compétences acquises par les acteurs éducatifs.

Si l’on veut innover faisons en sorte que le continuum lycée université soit aussi une réalité pour les enseignants.

Osons donc penser l’innovation comme la préoccupation de chacun, à tout instant. L’innovation oui mais pas seulement pour les enseignants.

Et si on en discutait plus avant ?

Pour compléter des articles et billets en rapport :

Bruno Devauchelle – On a besoin d’expériences, pas d’innovations ou de bonnes pratiques

Jean-François Tavernier – Les nouveaux visages de l’autoformation des enseignants

Marie Courbon – Être un enseignant innovant, est-ce se condamner à une quête solitaire et sans fin ?

Michel Guillou – Éducation et numérique : l’innovation, où ça ?

Jean Béhue – Tout le monde veut innover, mais personne n’aime les innovateurs

Françoise Cros – L’innovation en formation et en éducation

Philippe Watrelot – École et innovation : je t’aime moi non plus…

Bruno Devauchelle- Innovation quand tu nous tiens ! Un article très intéressant car il pointe de façon juste, réaliste mais cruelle (vachard ?), les modes de fonctionnement du secondaire :

« En mettant en avant, en primant, les innovants, ne renvoie-t-on pas chacun de ces innovants modestes à leur difficulté à briller ?« , « ET la seule réponse qu’on leur fait : concurrencez vous ? », .

30 Réponses to “Et si l’enseignant innovant était un concept utile pour … ne pas innover ?”

  1. Eric Guiraut 22 février, 2014 à 8:49 #

    Bjr Jean Paul.

    Très bon article qui interroge effectivement sur la place des personnels « innovants » dans le processus « d’innovation ».

    Tu interroges finalement la capacité de l’institution à « utiliser » ces enseignants, non à son propre profit mais au profit de tous, non comme un exemple à suivre tel quel mais comme un « objet » d’interrogation. Interrogation pour ses collègues dans leurs pratiques, interrogation pour ses supérieurs hiérarchiques sur les moyens matériels, organisationnels à mettre en œuvre pour faciliter les pratiques « innovantes » et leur diffusion.
    Cela passe par une mise en place d’un cadre de diffusion des pratiques innovantes qui doit mettre l’enseignant innovant au centre d’une réflexion collective autour de ses propres pratiques : réflexion à mener avec des chercheurs, des collègues, etc.

    Il faut aussi que l’enseignant « innovant », lui même, accepte de réellement partager sa réflexion, de ne plus être le « centre » d’intérêt de ceux qui le désignent ainsi donc de perdre ce statut.

    • Nathalie Couzon (@nathcouz) 24 février, 2014 à 2:51 #

      Bonjour Jean-Paul,
      Excellent article! Oui, il faut que les organisations prennent des risques de la même façon que l’enseignant innovant a montré de l’audace en modiifiant ses approches et pratiques.
      Les 20 et 21 mars, avec le Rendez-vous des écoles francophones en réseau, c’est un des objectifs que nous poursuivrons à l’échelle de la francophonie : entrer en contact avec des gens de communautés éducatives francophones d’un peu partout dans le monde pour s’investir dans des échanges et des réflexions autour de l’avenir de nos écoles et des élèves qui les fréquentent. Ce sera aussi une occasion sans précédent d’enrichir son bagage pédagogique, humain et technologique. Nous invitons tous les éducateurs francophones à suivre les webdiffusions durant ces 24 h et à se joindre à la discussion sur le fil #REferEdu .
      https://refer-edu.org

      • Jean-Paul Moiraud 24 février, 2014 à 3:55 #

        Bonjour Nathalie,

        Merci pour ton commentaire. Lorsque tu dis « entrer en contact avec des gens de communautés éducatives ». S’agit-il d’individus engagés à titre individuel ou des institutions qui intègrent et pensent les technologies comme des vecteurs possibles d’amélioration des modes d’apprentissage et d’enseignement ?

        De mon point de vue il y a une différence fondamentale entre une personne et une institution, les enjeux induits ne sont pas les mêmes.

        Bien à toi

        jpm

  2. Marcel Lebrun 25 février, 2014 à 8:08 #

    Bonjour Jean-Paul. Ton billet m’a donné à réfléchir, merci. Je suis d’accord avec les grandes lignes du texte qui définit ce qu’est l’innovation sur le ton :  » si l’on veut innover alors … ». Cependant, attention de ne pas jeter « le bébé avec l’eau du bain » en décourageant les pionniers, les enseignants vraiment innovants en utilisant des mots comme « dépassé » ou « anecdotique ». Ce n’est pas par ce que certaines institutions utilisent de manière usurpée le concept d’innovation, voire prennent en otage la pédagogie ou encore se parent des atours de la techno, qu’il faut s’en prendre à ces innovateurs qui éprouvrent parfois tant de critiques et de résistances de leurs étudiants, des autres enseignants, du système … Le dernier exemple « massif » de cette prétendue innovation, ce sont les MOOC (je veux dire les xMOOC) que je qualifierais de chant du cygne de l’ex-cathedra, de l’enseignement top-down, un exemple flagrant de la confusion entre enseigner et apprendre, un abus qui en a abusé plus d’un … Alors, encourageons les enseignants innovants, vraiment innovants qui contribuent vraiment à fissurer les citadelles des savoirs féodaux. L’innovation devrait porter sur les structures fondamentales certes, mais, elle s’insinue souvent doucement, évolution plus que révolution …

    • Jean-Paul Moiraud 25 février, 2014 à 9:03 #

      Cher Marcel,

      Mon propos n’était pas de décourager l’innovation, ni les enseignants innovants, bien au contraire. Je suis sûr qu’il faut les encourager mais … il ne faut pas ,à l’inverse, les décourager en les immergeant dans une structure qui freine.

      Je souhaitais engager une réflexion qui replaçait l’enseignant innovant au centre de la structure et non plus à la marge comme une aimable présence.

      Tu parles des Moocs, je crois que c’est le bon exemple pour appuyer mon propos. Ce sont des méthodes autres qui ont été portées par des structures plus que par des individus notamment le MIT puis Harvard, Standford et Yale … Le résultat a été rapide et massif.

      Je sais bien que l’innovation s’instille doucement, sur des temporalités longues mais est ce une fatalité ? C’est d’ailleurs une affaire ancienne. Tu le rappelles avec brio dans tes conférences en citant Phèdre à propos de l’écriture « tu n’offres à tes disciples que le nom de la science, sans la réalité ».

      C’est long, c’est difficile certes mais je crois fermement qu’il est possible d’accélérer le changement si la structure accompagne l’innovation à tous les niveaux, l’encourage, la valorise. Elle est tout à fait capable d’encourager les évolutions en prenant des décisions courageuses, en osant mettre à terre les murs des citadelles qu’elle a elle même construite.

      Il est possible que je sois un utopiste, il est sûr que je suis en colère, il est peut-être possible que mes mots aident à lancer une réflexion.

      Je voudrais terminer cette (trop) rapide réponse par une citation que j’ai entendu de la part de Bernadette Charlier citant Geneviève Jacquinot-Delaunay il nous faut réinventer « notre métier dans des conditions hostiles ». Nous le savons, c’est notre feuille de route.

      N’en déduit pas que mes propos sont désabusés, ils sont au contraire plein d’optimisme même si parfois je doute.

      Je te souhaite une belle journée et j’espère que nous aurons à nouveau le plaisir d’échanger sur ce beau sujet.

      Bien à toi

      jpm

  3. Thomas Maitre 25 février, 2014 à 5:22 #

    Bonjour Jean-Paul,

    Très bon article effectivement.

    Il m’intérèsse particulièrement parce nous venons de monter une startup pile dans ce scope.

    Jeunes étudiants en école de commerce (Audencia Nantes) nous avons fait évoluer notre activité initiale vers une activité de conseil qui vise à apporter des idées de solutions à des problématiques pédagogiques en intégrant du numérique dans la salle
    de classe.

    Et oui, parce que nous pensons que le numérique, au lieu d’être un facteur de remise en cause du rôle du professeur, est un vecteur de puissance !

    Bref, en faisant notre petit bout de chemin nous avons compris que bien au-delà des professeurs, toutes les dimensions stratégique de l’école (commerce, ingé, gestion, design, …) étaient touchées et que nous avions un moyen de les adresser. Nous planchons donc sur cette solution globale.

    Pourrions-nous en discuter plus en détail par email ou téléphone ? Votre avis et votre expertise nous aideraient beaucoup.

    A bientôt,
    Thomas

  4. mlebrun2 25 février, 2014 à 7:05 #

    Bonjour Jean-Paul
    J’avais bien compris. Je dois te dire que parfois je m’interroge aussi lors de mes accompagnements d’enseignants ici et là (où je leur parle d’innovations pédagogiques, où je les convie à devenir des innovateurs …) de la pertinence de mon action : est-il vraiment souhaitable de les envoyer au « casse-pipe » dans le cadre d’institutions peu enclines à considérer, à soutenir, à valoriser l’innovation pédagogique ?

    • Jacques Rodet 25 février, 2014 à 10:29 #

      Salut Marcel,

      Je ne pense pas que tu les envoies au « casse pipe ». Au final, ce qui fait l’attrait du métier, ce n’est pas l’employeur mais notre pratique et c’est bien de la part de ceux qui y sont confrontés, les apprenants, que nous viennent les satisfactions.

      Certes, il est usant de lutter contre l’immobilisme des structures mais d’une part la liberté pédagogique et d’autre part les apprenants eux-mêmes ouvrent les espaces suffisants, bien que rarement confortables, pour l’innovation dont l’objet a été, est et restera de bousculer la pratique pédagogique.

      A bientôt,
      Jacques

    • caty-leslé 27 février, 2014 à 5:08 #

      Bonjour

      Je suis interpellée par votre réponse M. Lebrun à l’article de m Moiraud
      je travaille au CARDIE centre Académique de Recherche et développement des innovations et expérimentations de Lyon et à ce titre j’accompagne des équipes innovantes et non pas, seulement des enseignants. Des équipes qui mettent œuvre collectivement,(avec souvent dans ce collectif, le (les) chefs d’établissements) des dispositifs qui ont pour intention d’améliorer la réussite de tous les élèves ( pour faire court)Les intentions sont plus complexes que cela. Ces équipes ont le sentiment très fort que pour que ces innovations marchent, qu’elles se développent et perdurent, il faut que l’ensemble de l’établissement soit dans l’aventure.

      Par ailleurs les Cahiers pédagogiques viennent de sortir un numéro le 509., que j’ai coordonné : « Ce qui fait changer un établissement  » On voit bien dans ce Cahier que « ça bouge  » Et que l’innovation ne peut se concevoir que collectivement, que l’innovation réside surtout dans la pédagogie, dans cette relation particulière au savoir, aux autres à l’espace et au temps.

      Les Cahiers Pédagogiques ont initié « les Cercles des Cahiers » et particulièrement celui-ci sur ce thème. « Ce qui fait changer un établissement » . Je vous invite à y participer

      http://cercles.cahiers-pedagogiques

      J’en suis animatrice.

  5. Jacques Rodet 25 février, 2014 à 10:05 #

    Salut Jean-Paul,

    Ce qui me semble important dans ce que tu pointes, c’est l’abandon de l’idée que l’innovation puisse être le fait d’un seul individu, en l’occurence l’enseignant et qu’il faut davantage raisonner l’innovation de manière systémique. Pour ce faire, il me semble qu’un acteur essentiel manque à ton inventaire : les apprenants.

    Penser l’innovation pédagogique, c’est à mon sens, d’abord et avant tout, prendre en compte les apprenants et les associer de manière concrète à l’émergence de l’innovation. Pourquoi, apprenant, j’adhérerais davantage à une pratique d’enseignant se présentant comme innovant s’il ne fait pas plus cas de moi qu’un autre enseignant ?

    Si mon enseignant innovant est un geek qui parle aux geeks et veut que j’en devienne un, sa pratique pédagogique est en définitive très traditionnelle.

    Par ailleurs, subordonner l’innovation au fait que tous les acteurs que tu listes se mettent enfin à innover de concert risque de nous faire attendre Godot…

    C’est pourquoi je pense que le meilleur allié de l’enseignant innovant sont les apprenants et qu’ils restent les meilleurs « juges de paix » de l’innovation.

    A bientôt,
    Jacques

    • Jean-Paul Moiraud 26 février, 2014 à 8:41 #

      Bonjour Jacques,

      Je n’ai effectivement pas parlé des apprenants parce que tout mon propos est orienté vers cet objectif : donner envie d’apprendre. Je reste cependant convaicu que la marge de progrés ne réside pas uniquement dans le duo prof / élève car ils sont immergés dans ce bain social, administratif, politique dont on ne peut faire abstraction. L’innovation en est une dimension, la technologie un sous ensemble du tout. De mon point de vue c’est la capacité à assurer un maillage dynamique entre tous qui est la clé de la réussite.

      Le juge de paix, pour reprendre ton expression, a lui aussi besoin d’un environnement spécifique fait du tribunal, des greffiers, d’ avocats, de temps serein pour juger, de la nécessairelp garantie de son indépendance. Il n’est pas dans une simple relation avec le justiciable et c’est à cette condition qu’il peut dire droit.

      Je pense Jacques, que nous aurons l’occasion de pousser plus avant cette réflexion, peut être même avec Marcel 🙂

      Trés amicalement

      Jpm

      • Jacques Rodet 26 février, 2014 à 9:36 #

        Oui Jean-Paul, je suis bien d’accord qu’il existe une écologie de l’innovation. Je pointais juste ce qui à mon sens persiste, y compris dans un environnement peu propice à l’innovation, comme levier pour l’innovation : la relation avec les apprenants.

        Amicalement,
        Jacques

  6. Eric Deschaintre 26 février, 2014 à 11:16 #

    Bonjour Jean-Paul,

    Je trouve ton idée très intéressante : valoriser l’exceptionnel permettrait de masquer la banalité du quotidien en matière d’innovation pédagogique.

    Pourtant, nous savons que l’innovation a été institutionnalisée à travers les conseillers recherche-développement, innovation et expérimentation (CARDIE) L’innovation est aussi inscrite dans la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005. Son article 34, inséré désormais dans le Code de l’éducation, rend possible la réalisation d’expérimentations qui font l’objet d’une évaluation annuelle.

    Nous savons aussi que l’institution scolaire encourage l’innovation au niveau des établissements et des équipes. On pouvait ainsi lire dans la circulaire de rentrée 2010 : « Inciter les équipes éducatives à exercer leur créativité et leur responsabilité, pour proposer des démarches et des organisations nouvelles, contribue à la réussite de tous les élèves. Qu’elle soit d’initiative locale, académique ou nationale, la démarche d’expérimentation participe de l’acquisition des connaissances et des compétences. »

    Valoriser un-e enseignant-e innovant-e c’est montrer un possible, donner envie à d’autres, c’est aussi, en creux, culpabiliser celles ou ceux qui n’innoveraient pas, qui n’oseraient pas, ou pas encore. Il me semble pourtant que beaucoup innovent sans trop le dire ou même trop le savoir. Quelle est la limite entre ce qui est innovant et valorisable et ce qui ne l’est pas ?

    Mais, je rejoins là le fond de ton papier, on se contente trop souvent d’une prouesse individuelle qui limite la portée et la durée de vie des projets à l’enthousiasme d’une personne. Le renouvellement permanent des équipes – enseignants et cadres – aura tôt fait d’éteindre un bel enthousiasme.

    C’est en effet assurément un rôle clé des chefs d’établissement et des corps d’inspection, de repérer, de soutenir et de partager l’innovation afin qu’elle puisse entrer dans un cadre institutionnel bien compris et donc potentiellement durable.

    ED

    • Tiphaine Accary-Barbier 26 février, 2014 à 9:42 #

      Bonsoir Jean-Paul,
      Je suis bien d’accord avec cette idée qu’un « enseignant innovant » n’apporte au système que s’il peut essaimer (voir contaminer) autour de lui ce qui le rend novateur. Être mis en avant en temps qu’enseignant innovant sous-entend trop qu’on fait figure d’exception et peut n’être qu’une manière de proposer du rêve.

      Cependant, je suis assez confiante dans l’institution pour ce qui est de la généralisation de ce concept d’innovation. Quand je présente en formation le nouveau référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, j’insiste sur la 14ème (S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel). Parmi les items qui décrivent donc ce que l’institution attend de tous les enseignants on peut y lire les 2 suivants :
      – Se tenir informé des acquis de la recherche afin de pouvoir s’engager dans des projets et des démarches d’innovation pédagogique visant à l’amélioration des pratiques.
      – Réfléchir sur sa pratique – seul et entre pairs – et réinvestir les résultats de sa réflexion dans l’action.

      Je veux y voir une volonté institutionnelle d’amener les enseignants à sortir de leur routines pour s’interroger sur leurs pratiques, tester et innover.
      J’espère une formation dans les ESPE qui engage les futurs enseignants à être des découvreurs et des pionniers.

      Tu vois, Michel Serre disait qu’on que « les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents », alors j’espère que cet état de fait va condamner les enseignants à devenir innovants, à toujours s’adapter à ces conditions hostiles dont tu parlais…

      Amitiés,
      Tiphaine.

    • Jean-Paul Moiraud 27 février, 2014 à 9:03 #

      Bonjour Éric,

      Je suis très heureux de te lire. Tu l’auras compris mon billet est une façon d’exprimer la façon dont j’aime ce métier. Je voulais lancer une réflexion sur l’innovation au moment où notre profession est encore dans cette zone floue que les poètes nomment « entre chien et loup ». La rapidité des évolutions a bousculé nos repères, il est très difficile de passer du 1.0 au 2.0 et nous sommes donc tous engagés dans cette révolution. Qu’il y ait des frictions est normal, elle sont même salutaires. Il n’y a aucune certitude, que des questions.

      Je connais bien les structures et les textes que tu cites et on ne peut que se féliciter du travail qui est engagé (et bien engagé). On aurait même pu ajouter des passages du référentiel de compétences des enseignants :

      « 9. Intégrer les éléments de la culture numérique nécessaires à l’exercice de son métier

      – Tirer le meilleur parti des outils, des ressources et des usages numériques, en particulier pour permettre l’individualisation des apprentissages et développer les apprentissages collaboratifs.

      – Aider les élèves à s’approprier les outils et les usages numériques de manière critique et créative.

      – Participer à l’éducation des élèves à un usage responsable d’internet.

      – Utiliser efficacement les technologies pour échanger et se former. »

      En résumé je pense que lorsque nous invitons nos élèves et étudiants à coopérer et à collaborer, il faut que nous soyons capables nous aussi de le mettre en musique.

      Nous sommes au milieu du gué et nous apercevons sur la rive opposée le débat fait d’un mélange subtil d’envies,d’injonctions, d’expérimentations et de désirs communs de généralisation et … de réussite.

      Les années à venir sont d’ores et déjà inscrites dans le registre du passionnant. J’espère pouvoir continuer à alimenter ce débat.

      Bien à toi

      jpm

  7. Marie Courbon 28 février, 2014 à 3:20 #

    Bonjour, votre article est arrivé à point pour moi, à un moment où je suis amenée à réorienter mon action par rapport à ce que peut apporter l’enseignant innovant et en règle générale l’innovation dans le système éducatif. Mais c’est d’abord en tant qu’ex enseignante « innovante » que j’avais besoin de m’exprimer. J’ai écrit un billet, qui rejoint le vôtre par son thème, même si le traitement est différent.
    J’ai apprécié votre billet et les commentaires qui le suivent.
    http://escholia.com/index.php/easyblog/news

    • Jean-Paul Moiraud 28 février, 2014 à 6:18 #

      Bonjour Marie,

      Merci pour ce témoignage personnel intéressant. En écrivant mon billet je ne m’imaginais pas déclencher une discussion aussi abondante. J’espère que le débat va continuer. Ce jour j’ai visité un learning center et le débat a porté sur la part du paradoxe dans la réussite des objets techniques. « plus l’objet est paradoxal, plus il fonctionne ».

      Je me demande si mon billet n’est pas de cet ordre, je tente de qualifier la place des technologies dans les dispositifs de formation et c’est une réflexion sur la posture de l’enseignant qui semble émerger – L’Homme / L’objet.

      Bien à vous

      jpm

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