Mes usages du numérique me mènent à un constat, j’utilise plus les fonctionnalités hors ma classe que dans ma classe. J’essaye d’en analyser les causes. Dans le cas présent la raison me paraît évidente. Je travaille sur la base d’un dispositif de type web 2.0 qui est mobile, ubiquitaire, souple que l’on souhaite instrumenter à la demande. Or … mon lycée est structuré selon des modalités des années 2000 c’est-à -dire la salle de cours déconnectée de la salle d’informatique. On doit enseigner soit de façon traditionnelle, soit avec la numérique mais il est très difficile de faire les deux en même temps. Le numérique est contraint par le temps et l’espace, il faut prévoir pour travailler, un temps d’au moins une heure et trouver une salle disponible.
De quoi décourager, même les plus engagés 😦 – J’avais déjà rédigé un billet en ce sens
Je vais pousser le raisonnement jusqu’à l’absurde. Nous avons des livres et nous avons des CDI. Qui aurait l’idée saugrenue d’aller au CDI (en ayant réservé au préalable un espace) avec sa classe parce qu’à un moment du cours on a envie (besoin) de lire un livre , de citer un passage , de montrer un image ?
Le livre est dans les cartables et ça paraît une évidence pour tout le monde.
Voici ma proposition graphique de ce que je suppose être le besoin actuel en matière de pédagogie instrumentée. Une salle de cours équipée en accès internet, des portables pour les étudiants (ou tout autre dispositif de réception), des prises électriques intégrées pour palier les déficiences des batteries et surtout ne pas mettre le feu au lycée avec des branchements pirates.
La question finale : ma proposition est-elle plus onéreuse que les solutions actuelles ? Elle vaut peut être une analyse financière plus poussée ?
Chez nous, unanimement, les collègues souhaitent des livres en classe – un outil possédant un nombre de degrés de liberté sans rapport avec le livre numérique sur TBI ou portable – et très adapté au groupe, et l’utilisation des outils de travail à distance et permettant une large autonomie, … à distance, c’est à dire chez eux.
Il faudrait arrêter de croire que ce qu’on enseigne par exemple au collège en mathématiques, c’est le théorème de Pythagore et tout le toutim.
A l’école et au collège, les savoirs ne sont pas enseignés pour eux-même.
Ce sont des savoirs outils.
Certains d’entre nous construisent cet outil
comme des bâtisseurs qui construiraient des échafaudages en béton
oubliant que le but est de construire la maison
et que les savoirs outils sont destinés à être oubliés (démontés).
C’est en ce sens que
l’apprentissage par compétences
l’amélioration des techniques pour faire entrer celles-ci dans l’élève
sont tout à fait contre productive
si on parvient à dépasser les objectifs intermédiaires fixés par les matières.
J’ai aujourd’hui travaillé les statistiques avec les sixièmes.
Ils avaient à choisir 50 nombres de 3 chiffres « au hasard »
et ont fait une étude dans laquelle le travail a été partagé,
– avec des mouvements libres pour écrire (trois élèves en même temps) au tableau les résultats, ou proposer des corrections –
dans laquelle ils ont pu faire apparaître « les préférences cachées » de chacun et la synthèse de la classe.
Je fais parfois un travail un peu similaire devant ordinateur (utilisation du tableur)
ce n’est jamais aussi vivant et riche.
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Quand à la durée de vie d’un portable …
…
Longue quand on ne s’en sert pas.
Ce qui est le cas de beaucoup d’élève doté d’un portable en collège (expérience des Landes)
Cher collègue,
Merci pour votre commentaire.
Dans les nombreux billets que je rédige j’évoque la notion de scénario (voir l’onglet télécharger les scénarii). Avant toute introduction du numérique je pose la question de son élaboration sur plusieurs points en forme de questions :
– Quel est le contexte de formation ?
– Quelle est l’intention pédagogique initiale ?
– Qui sont les acteurs ?
– Quels sont les outils ?
– Quelles sont les ressources ?
A partir des réponses que l’on peut apporter, et seulement lorsque l’on est capable d’y apporter des réponses, on peut se lancer dans un travail instrumenté.
Je ne saurais débattre des enjeux des didactiques des mathématiques (je suis prof de droit) mais les riches travaux de l’association Sésamath et des chercheurs d’educmath analysent les enjeux de l’introduction du numérique dans les mathématiques. De Nombreuses études s’accordent à dire que les logiciels de géométrie dynmamique (géogébra) donnent des possibilités nouvelles très intéressantes.
Bien évidemment analyser les enjeux de l’introduction du numérique ce n’est pas renoncer à enseigner de façon classique, c’est comprendre comment on peut faire cohabiter les deux postures. A titre d’exemple de mon argumentation, je vous recommande la visualisation de la vidéo brésilienne qui est sur mon blog et qui se nomme l’effet diligence
Vous verrez que utiliser le numérique dans le seul but d’avoir du numérique est totalement inutile.
Mais revenons à mon billet … mon intention n’était pas de débattre de la validité du numérique dans un dispositif d’apprentissage mais de sa situation spatiale dans un établissement. L’idée qu’il faut déconnecter une pédagogie de son instrumentum me paraît être un frein.
En résumé je voudrais citer une phrase de Marcel Lebrun de l’université de Louvain (Belgique) et créateur de la plateforme Claroline « Une bonne pédagogie avec les TICE, c’est d’abord … une bonne pédagogie ! »
Bien à vous
Jean-Paul Moiraud
J’utilise l’ordinateur depuis … que j’ai eu un Apple II (années 80) et j’ai fait partie pendant des années d’un groupe national sur les nouvelles technologies.
Ce que vous montrez dans la vidéo, est paradoxalement l’évolution de l’utilisation des NTIC.
Il y a 20 ans celles-ci utilisaient l’analyse de réponse, envisageaient le rôle de tuteur intelligent pour l’ordinateur.
Nous assistons à une régression
notamment avec le TBI (du magistral handicapé par les restrictions de la technique, et l’afflux d’informations qui nuisent à la sédimentation)
Pour revenir à votre article
je n’ai jamais vu qu’il fallait
« déconnecter une pédagogie de son instrumentum »
tout au contraire
cela fait des dizaines d’années (depuis le premier plan informatique pour tous) que l’on culpabilise les enseignants en leur disant qu’avec les NTIC il fallait
« apprendre autrement »
Un peu comme ces agences de voyage qui font de la pub en affichant un panneau sur lequel est écrit AILLEURS.
Pour finir, je crois qu’il n’y a pas de bonne pédagogie avec les TICE,*
cet énoncé est d’ailleurs contradictoire avec ce bouleversement d’attitude que l’on attend des enseignants pour intégrer l’outil.
Dans ma classe, il y a des ordinateurs, des livres (dans une bibliothèque qu’une école jetait), des ardoises …
il m’arrive de prévoir une activité avec l’ordinateur, et de finir par la réaliser sans, parce que très souvent l’outil fausse quelque chose.
C’est le cas d’ailleurs avec les outils de géométrie dynamique dont personne ne sait réellement ce qu’ils suggèrent dans la tête des différents élèves (dont les registres de perception et de conceptualisation sont très variables)
qu’est-ce qu’un « point qui bouge »
ce n’est d’abord pas un point puisque la seule caractéristique d’un point est précisément sa position.
Ce sujet fait d’ailleurs débat
(quand on regarde ce qui se passe dans la machine on s’aperçoit qu’il y a des convention du logiciel qui font qu’en fonction du produit – geogebra-declic-cabri-carmetal …- les résultats affichés peuvent être différents pour un même traitement !)
mais on évite de l’évoquer pour ne pas augmenter la méfiance vis-à-vis de l’outil (seuls les utilisateurs avertis sont conscients de ces implicites à biais)
Pour finir, les exemples du type diligence existant en nombre, pour montrer les mauvaises utilisations des TICE, un exemple sur le moyen terme (dans la durée) d’utilisation
faisant cohabiter les deux postures (qui restent à définir (?)) serait le bien venu.
Alphonse Brunstein (11/10)
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* Marcel Lebrun (Président du Consortium international de la plateforme Claroline) ne parle-til pas lui-même de « Métamorphose de la pédagogie »